Ses parents étaient tout deux irlandais. C'était deux grands scientifiques, qui travaillaient activement à l'élaboration d'une quelconque arme capable de faire gagner leur pays. A ce jour, leurs recherches n'ont toujours pas abouties. L'arrivée d'une enfant dans leur vie fut un véritable chaos, et un regrettable accident. Mais, justement, ils voulaient à tout prix se débarrasser de cette fillette indésirable. L'avortement n'était plus possible, s'étant aperçus trop tard de cette grossesse non-voulue. Alors ils continuèrent leurs travaux dans un centre d'Amsterdam, bien loin de leur Irlande natale. Si leurs confrères savaient qu'ils étaient des taupes, des espions, des traitres ! Ce serait tout bonnement une catastrophe sans nom : l'Irlande se verrait privée d'informations, et leurs chances de victoire seraient considérablement amoindries. Enfin, Eyla vit le jour. Ses grands yeux pleins de tristesse et d'innocence ne dissuadèrent pas ses parents de la garder avec eux. Jamais ils n'eurent de l'affection pour elle, ou un quelconque regret de l'avoir abandonnée. Il leur fallut quelques mois avant d'entendre parler d'un mystérieux hommes qui récupérait des enfants. Celui-ci se trouvait aux États-Unis, un pays ennemis. Mais qu'importe ! Que pouvaient-ils bien faire d'une petite de cinq mois, ces américains ? Rien, sinon l'élever et en faire... En faire quoi ? Leur étroitesse d'esprit ne leur permettait pas de concevoir qu'une chose telle que les pouvoirs liés aux virus soit possible. Et de toute façon, ils voulaient tellement se débarrasser de la petite qu'ils ne prirent pas le temps de réfléchir. Et voilà maintenant qu'une hôtesse que n'avait rien demander à personne se retrouvait chargée d'un bébé. Elle devait s'assurer qu'elle arrivait bien à l'aéroport et devait la remettre comme une vulgaire marchandise à une femme qui travaillait dans un orphelinat. Le voyage et la "transaction" se firent sans encombres, et Eyla arriva bientôt dans ce bâtiment froid qui allait devenir sa maison. Pendant toute son enfance, elle ne se lia pas beaucoup avec les autres enfants. Elle n'avait que quelques connaissances, et pas plus de deux amis. Il y avait surtout un garçon, du même âge qu'elle, avec qui elle grandit. Ils ne se quittaient que très rarement. Eyla l'aimait comme un frère et n'aurait survécu à une séparation. Elle qui n'avait aucune raison de vivre, il lui donnait la force de continuer à avancer. Oui, la jeune fille ne parvenait pas à supporter le fait qu'elle avait été abandonnée. Peut-être que c'est pour cette raison que grandir lui était impossible, que sortir de son monde lui demandait trop d'efforts. Souvent la nuit, elle se prenait à pleurer sans savoir pourquoi. Dans son regard, vous verrez toujours cette petite lueur de tristesse, cette nostalgie qui ne la quitte plus. Elle avait maintenant quatorze ans, l'âge où les adolescents sont lâchés dans la nature. Ce n'était pas une délivrance pour elle, pas comme pour son ami. Juste un nouveau monde dont elle aurait vite fait le tour, un endroit où elle tournerait comme un lion en cage. Son adaptation se passa sans heurts, et elle continua sa vie avec son ami d'enfance. Ils ne se quittaient plus, effrayés par l'idée de se perdre dans cette immensité. Mais un jour... Ils rentraient dans la petite chambre où ils avaient élus domicile, ils étaient sur le chemin du retour... Prenant un raccourcis, ils avaient atterris dans une petite ruelle sombre et sordide. Et un groupe de gens les avaient pris en chasse. Ils hurlaient, courraient... C'était une véritable pagaille, et ils se mirent à courir main dans la main. Eyla s'y accrochait de toutes ses forces, mais ce ne fut pas suffisant. Ils se détachèrent l'un de l'autre, et tandis qu'il lui criait de courir, la certitude qu'elle ne le reverrait plus jamais la gagnait. Cette nuit-là, elle se perdit dans la ville. Elle n'était plus qu'une âme errant, seule et sans but. Une vagabonde qui ne possédait plus rien. Elle passa de nombreux jours à le chercher, à arpenter les rues... Mais il s'était volatilisé, et leurs poursuivants aussi. Aujourd'hui encore, elle habite la petite chambre dans la maison délabrée. Mais il y fait froid, elle est seule, vraiment seule... Eyla n'a plus parlé à personne depuis longtemps. Quelle en serait l'utilité ? Et son pouvoir, son maudit pouvoir qui n'est même pas capable de l'aider...

Les apparences sont trompeuses, en voilà une preuve vivante. Cette jeune fille effacée, timide et gentille n'est pas celle que l'on croit. Personne ne sait ce qu'elle est en vérité, ils ne voient que la surface, et la surface est trop lisse pour offrir beaucoup d'informations. Sage, douce et obéissante, quelle adorable adolescente... Mais la vérité est toujours complexe, et celle-ci n'échappe pas à la règle. La véritable personnalité d'Eyla est toute autre. Certes, elle est timide, effacée, solitaire et gentille, certes elle est sage et ne fait pas bêtise sur bêtise, il est vrai aussi qu'elle n'est pas colérique, qu'elle ne cherche pas les histoires... Mais Eyla ne se résume pas en quelques mots prononcés à la va-vite. Cette enfant est en vérité dotée d'une intelligence sans borne. Une intelligence sadique et machiavélique. Vous ne pouvez imaginez le temps qu'elle passe à imaginer toutes sortes d'atrocités, son imagination est sans bornes. Personne ne peut la battre à ce jeu là. Le malheur des autres la fait rire discrètement, tandis que le sien la fait pleurer. Oh, ce n'est pas une psychopathe, non. Elle n'a encore tué personne et n'a jamais testé ses tortures, elle n'oserait pas. Etrangement, même si faire souffrir les autres est un plaisir, elle ne supporte pas la douleur. Eyla est très fragile et un rien peu l'ébranler. Son petit monde est aussi composé de nombreuses créatures fantastiques, d'aventures invraisemblables et de mondes à la flore luxuriante. Cette jeune fille est on ne peut plus émotive, mais ne montrera jamais aux autres qu'un petit sourire nostalgique, un regard triste et parfois, un petit rire pas sincère. Son occupation favorite à l'orphelinat était de récolter des poupées en tout genre et d'en prendre une pour torturer l'autre. Ces jeux macabres n'enchantaient guère son ami. Eyla le voyait bien. Un jour, elle se demanda même s'il n'avait pas fait exprès de lâcher sa main, pour s'éloigner d'elle. Et cette simple idée l'avait fait pleurer, et pleurer... Son esprit s'était mis en route et avait trouvé les pires scénarios possibles, la laissant désespérée et affaiblie. Oui, ses crises de pleurs la rendait très faible. En général, elle s'endort après, mais ce sommeil est sans rêve et n'est pas réparateur. Eyla se sent toujours triste. Tout dans son corps le clame : ses yeux brillants, son sourire fané... Elle est comme morte à l'intérieur, et ce depuis bien longtemps. Même si elle n'est pas douée pour les relations sociales, ne le croyez pas naïve : elle sait tout de même se défendre et répondre. Mais elle restera un mystère aux yeux du monde pendant encore très, très longtemps.

Regardez-moi cette paire d'yeux noisette, brillant constamment d'une lueur nostalgique, triste et mélancolique... Ce petit sourire, ni sincère ni franc, que ses lèvres portes souvent, sans pour autant que son âme soit joyeuse... Ces cheveux noirs aux reflets bruns, fins et qui lui tombent un peu en dessous des épaules... Elle se plait à les attacher en deux couettes bien nettes, lui donnant l'air d'une enfant dans le corps d'une adolescente. Sa peau claire, légèrement rosée ne bronze pratiquement pas, pour ne pas dire jamais. Elle n'est pas si grande, mais n'est pas non plus petite. Une taille normale, adaptée à son âge. Elle ne grandira probablement plus, ayant sans doute déjà fini sa croissance. Elle ne mange pas beaucoup, puisque la faim est un sentiment étranger pour elle, et parait donc très mince, presque maigre. Pourtant, ses os ne sont pas saillants et elle n'a pas l'air d'une anorexique. Portez maintenant votre regard sur cette démarche, souple et dansante. Ne vous fait-elle pas penser à un petit lutin des bois, heureux de vivre et qui le montre ? Avec ses jambes fines et comparables en souplesse à celle d'un chat, ne trouvez-vous pas ses bonds gracieux ? Je vous l'accorde, elle ne bondit pas. Elle se contente d'avancer, tentant d'accorder son corps. Alors que ses épaules, portant un malheur qui n'est pas le votre et que jamais vous ne pourrez comprendre, veulent l'enfoncer dans le sol, et rendre son avancée difficile et pesante, ses jambes, ignorantes de ce que son coeur subit, voudrait danser, voler, sauter, porter ce corps si léger haut dans les airs, virevolter et montrer combien la vie vaut la peine d'être vécue. On pourra dire sans se tromper qu'Eyla est à elle toute seule un bien beau mystère, un paradoxe incompréhensible et un secret bien gardé. Oh, qu'il serait intéressant de s'atteler à cette tâche fastidieuse qu'est celle d'en apprendre un peu plus sur elle ! Connaitre son passé qu'elle se refuse à dévoiler, voir une démonstration de pouvoir qu'elle n'accorde à personne, connaitre ses pensées les plus profondes qu'elle n'exprime jamais à haute voix, gagner cette confiance que personne ne peut se vanter d'avoir une jour eue... Mais Eyla est et restera un mystère inviolé.

Poupée de chiffon, de porcelaine ou de plastique, vous obéirez toutes à ma volonté. Animez-vous puisque je vous l'ordonne, et devenez de vraies petites filles, bien vivantes. Tuez si je vous le demande, riez si c'est un ordre. Vos esprits simplets n'auront plus de secrets pour moi, je serais votre maitresse suprême, et sur un claquement de doigt vous vous éveillerez. Jamais vous ne contesterez mes décisions, vous n'êtes pas capables de le faire, pauvres jouets que vous êtes. Votre volonté n'est autre que la mienne, votre corps sera le mien. Pour moi vous serez capables de tout faire, de tuer, de jouer ou de parler. Mais jamais vous ne trahirez, vous n'êtes que des objets que j'ai réveillé.