Messages : 140 Date de naissance : 03/06/1995 Age : 29 Date d'inscription : 30/12/2009 Virus : Oméga Pouvoir: : Contrôle de la gravité Age : 15 ans
Sujet: * Elégie. Mer 8 Sep - 21:09
Il n’y pas de place pour l’hésitation Sens la fièvre monter, La douleur est prête, la douleur attend. Tu trembles et te contractes…
J’observe ta sérénité Ta façon de transcrire Les absurdités de mon esprit Et comme la nuit commence à s’effacer Tu te diriges vers la porte Suivi par une parade plaintive Tu es seul encore une fois
Vidée de tout.
Une lueur pâle traversait douloureusement la fenêtre sale. Elle éclairait faiblement le centre de la pièce, qui n’avait aucune forme bien définie. Ni ovale, ni circulaire, ni carrée, ni rectangulaire… Elle ne s’apparentait à rien d’autres qu’un assemblage de murs hasardeux et bâclé. La peinture s’écaillait par endroit laissant apercevoir ça et là, le gris du béton armé, ou le rouge terne de la brique. La lueur révélait l’omniprésence de la poussière dans l’air. Un reflet blond gisait au milieu du tout qui formait un salon. La cascade dorée descendait jusqu’à terre et trainait sur le parquet archaïque. Un bruissement d’aile retentit derrière les poutres apparentes, suivi d’un long chuintement, coupé par une explosion rauque. Lilian, recroquevillée au centre de la pièce, le front contre ses genoux repliés sur sa poitrine, sursauta légèrement. Avec une lenteur exagéré, elle releva légèrement la tête, le menton toujours appuyé contre les genoux, et son regard rencontra la lumière. L’océan s’embrasa soudainement, le cobalt devint un bleu roi limpide. Puis les nuages obscurcirent l’horizon, et le regard revint à son état initial, terne. Sa tête reprit sa position, laissant son visage disparaître derrière ses jambes, ne laissant apparents que ses cheveux. Ces cheveux qui, depuis qu’ils n’avaient pas été coupés, descendaient en cascade sur son dos.
Ils lui avaient finalement volé.
Elle l’avait vu chercher quelque chose dans son frigo. En sortir deux gélules peu engageantes, les lui présenter, les lui faire avaler. Elle l’avait fait. Elle n’avait pas eu le choix. A peine avait-elle déglutit qu’elle s’était effondrée sur le sol carrelé de l’hôpital, prise de violentes convulsions. Elle avait pesté, hurlé, pleuré de douleur et d’effroi. Elle avait senti son pouvoir s’arracher à chaque cellule de son corps, disparaître par les pores de sa peau, et s’évanouir dans l’atmosphère en un halo bleuté. Elle avait vu le visage inquiet du pseudo-médecin se transformer en rictus haineux au milieu de ses larmes de frustration. Elle l’avait senti la saisir par le bras, la relever avec force, puis la confier à d’autres infirmières chlorée. Elles lui avaient posé un masque sur le nez et la bouche, lui avait intimé d’inspirer… Elle s’était débattue. Elle avait senti une aiguille plonger dans son bras, déverser un liquide dans son organisme… Puis plus rien. Le Noir. Le Néant. Mais le fait était, et lui bien évident, qu’elle n’avait plus aucun pouvoir.
Ces Deltas… Elle leur ferait la peau.
Ce qui, dans l’état actuel des choses, promettait d’être compliqué. Cela faisait plus de trois heures qu’elle était rentrée, elle ne savait trop comment, et qu’elle se morfondait au milieu de la pièce. Sans don, elle ne pourrait plus sortir. Elle ne pourrait plus se défendre, et par extension, elle ne pourrait plus vivre. Son pouvoir, puissant et capricieux, lui avait toujours assuré une défense infaillible contre tout type d’agression, ou d’agresseur. Il était son assurance vie sa protection contre le monde extérieur. On le lui avait retiré. Sans état d’âme, sans aucun scrupule, sans lui demander son avis ou le pourquoi du comment. Un dépit sans nom hurlait dans ses veines, et son estomac noué menaçait de la lâcher si elle tentait de faire quoi que ce soit; Depuis trois heures, elle déprimait comme jamais.
Son cerveau, déboussolé par le changement subit de l’organisme qu’il occupait, s’était mis en pause. Ses pensées refluaient, bloquées par l’encéphale qui refusait toute intrusion extérieure. Le vide de son esprit n’était comblé que par un immense sentiment d‘absence. Elle se sentait vidée de toute substance, il lui sembla même que son corps perdait sa réalité, sa consistance. En y repensant, ce qu’elle avait ressenti lorsque son pouvoir avait décidé de faire sa crise d’adolescence valait bien mieux que ce qu’elle ressentait à présent. Elle n’était plus qu’une loque. Ni tout à fait vivante, ni tout à fait morte.
Et un mur d’acier vint s’imposer dans son esprit. Elle tressaillit légèrement, tentant de refouler la marée de questions qui l’assaillait à cette vision. Un regard hermétique s’ajouta à la scène, deux iris d’un gris métallique implacable. Un regard réprobateur. Et puis quoi? Il lui reprochait d’avoir perdu son pouvoir? Il croyait que ça lui faisait plaisir? Et elle, pourquoi divaguait-elle… Complètement amorphe, elle ne réagissait même plus aux bruits gonflant au-dessus de sa tête. Des bruissements, des pépiements, des croassements moqueurs, le roucoulement d’une tourterelle, le chuintements d’un hibou ou d’une chouette insomniaque. Et puis les marches de l’escalier qui craquaient en allant crescendo, à l’agonie. Elle ne pensait à rien, ne ressentait rien, pas même le besoin lui-même de ressentir quoi que ce soit.
La Reine maladive avait laissé tomber sa couronne.
Les lattes du plancher grinçaient en une mélodie plaintive, accompagnant l’élégie de son esprit affligé. Elle avait rencontré un « humain ». Pour elle, il tenait bien plus du loup que de tout autre chose s’apparentant à un bipède. Elle l’avait admiré, haï, méprisé, regretté, attendu, espéré, rejeté, atytiré, désiré… Elle l’avait eu, lui, mais n’était plus Elle. Il lui manquait une partie d’elle-même, celle qui faisait qu’elle était Elle, un Reine, un tout. Elle avait perdu toute intégralité suite à l’opération non voulue qu’elle avait subi sans dire un mot. Et à présent, elle en subissait toutes les conséquences. Les affreuses, les ignobles, les immondes conséquences. Elle se recroquevilla davantage encore, saisi sa tête entre ses mains, tandis que la plainte dans son esprit s’intensifiait.
Curve Désaxé chronique.
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Sujet: Re: * Elégie. Mer 8 Sep - 22:40
Quel émoi devant ce moi Qui semble frôler l'autre, Quel émoi devant la foi De l'un qui pousse l'autre.
Mais qui est l'autre Quel étrange messager Mais qui est l'autre Ton visage est familier Mais qui est l'autre
Toi et moi du bout des doigts Nous tisserons un autre Un autre moi, une autre voix Sans que l'un chasse l'autre.
C’était ça. Juste ça.
Planté devant ton qualificatif jeté en tas sur le trottoir, devant la chose qu’il désignait outrageusement, tu observais le fruit de tes pensées archaïques, l’acier de tes yeux se baladant sur le bois, se heurtant aux trop nombreuses aspérités, s’engouffrant dans les multiples failles avant de ressurgir dans un flot d’étincelles crépitantes. Ça. Tu ne cessais de le répéter, baladant les deux lettres sur ta langue devenue écorce, testant la sonorité du mot, cachant avec difficulté ce dégoût d’effronté trop gâté, ignorant les sages pensées de ton esprit qui affirmaient que tu n’étais pas en assez bonne position pour exiger du monde ce que tu attendais. Ce n’était pas un palace en marbre blanc, lustré d’or et verni d’argent qui allait soudainement naître et croître au milieu du trottoir, où le jardin attenant serait d’un vert émeraude et ou chaque poignée serait aussi scintillante que le soleil a son apogée. Tu n’exigeais pas de cet univers une telle merveille. Tes préoccupations étaient simples, tu les avais listées. Si tu possédais un brin de méthode, tu les aurais sans doute écrites, et d’un mouvement théâtral, aurais pu sortir quelques bribes de pensées griffonnés sur une feuille de papier, trouvée ça et la dans les décombres fumants de ce qui avait été le lotissement d’une famille en perdition. Encore aurait – il fallu trouver un crayon en état de marche. Un mur encore debout pour écrire. Et surtout, la volonté d’user une bille contre un plan vertical pour énoncer des faits que tu savais gravés en toi, jusqu'à la prochaine vague. Tu n’en avais pas besoin, non. Et encore moins l’envie, c’était certain. Ainsi te restait – il ta mémoire, que tu vantais sans gène, racontant mentalement a qui t’entendrais alors, que tu n’oubliais jamais rien. Rien de ce qui t’intéressais. Pas grand-chose, effectivement. Ton esprit n’était encombré que par tes propres parasites, que tu créais soigneusement, pièces par pièces, avant de les lâcher dans l’océan trouble de tes sombres rêveries pour plonger encore plus profondément dans ce qui te composais. Effort masochiste et pourtant fructueux. Se découvrir, se chercher, encore. Inlassablement. C’était passionnant, pour qui voulait prendre le temps, pour qui aurait ton ego et ta morgue, ton introvertisme chronique et ton silence plus lourd que le plomb. Pas grand monde en effet. Il était même plaisant de croire que tu étais le seul a jouer a cet étrange valse, ou tu étais chassé et chasseur, chat et souris, nuit et jour, paix et guerre. Amour et haine, passion et rancune. Mais pas noir et blanc. Gris. Inlassablement. Tu désirais ardemment un monde en technicolor, tout en prônant le gris comme valeur sure, absolue. Parce que tu étais le gris comme il était tien. Terne et sans vie, trop variable pour être comparable au blanc lorsque tu étais clair, ou au noir lors de tes périodes sombres. Certains étaient rouges, bleus, ou verts. Et ne se déclinaient pas, parce qu’indéclinables.
Et toi, effronté aux yeux d’acier, tu virevoltais au milieu d’un monde qui s’adaptait a tes désirs, que tu modelais selon tes caprices, sans chercher a rentrer dans le rang, a comprendre le monde plutôt que le monde ne doive te comprendre. Tu étais bien trop exigeant. Et ça encore, tu le notais avec aplomb en toisant la bicoque vétuste en face de ta royale personne.
Curieux de nature, tu entrais pourtant – car après tout, ce n’était qu’une maison. Le bois y était roi, et t’accueillis des l’entrée franchie. Tes yeux se posèrent vers le micro couloir du bas, qui abritait un vieux vélo – ou une forme tordue qui te faisais penser a un tel véhicule – alors qu’un escalier branlant, quoique encore en bon état, se serrait contre un mur, dénué de rampe pour donner a la scène un coté de film glauque et de mauvais goût. Aussitôt, le mécanisme sournois de ton esprit se mit en marche, et tu braquais un feu ardent sur le plancher, guettant avidement la moindre faille qui pourrait t’annoncer qu’effectivement, quelqu'un avait eu l’idée tordue, et diablement séduisante, de tuer un des proches en le poussant du haut de l’escalier. Mais si sang il y avait, tu ne le vis pas. Passant aussitôt à autre chose, et mu par l’instinct que boucles d’or t’attendais en haut, tu partis a l’ascension de ce fameux escalier. Une note de déjà vu, mélodie grinçante, frisson au creux du dos, amertume sur la langue. Croissement des moqueurs volatiles.
Tu atteignis enfin l’étage du haut, qui offrait son luxe a qui voulait bien le voir. Une grande pièce nantie d’un lit double repoussé dans un coin, une fenêtre au milieu du mur, et un meuble dans le coin opposé. Un miroir cassé au fond. A coté, une petite pièce ou un petit frigo tenait, rigide, entre un évier dépassé et une forme blanche que tu n’identifiais pas. Au milieu de la chambre – salon – pièce non identifiée, celle qui t’avais aimanté.
Ton pas te mena vers elle, et plus tu approchais de la frêle silhouette, plus la bulle de désespoir se pressait contre toi. Et dans tes oreilles lapines retentissait une triste mélodie, ou se mêlaient piano et violons mal accordés. Aussitôt, ton esprit se rangea a ton service, te servant sur un plateau d’argent quelques mots qui exprimaient ton ressenti : pathétique a en gerber. Totalement dénué de sentiments, tu avançais, pilais face a la forme blonde, notais la longueur des cheveux et le besoin évident d’une tonte a sec. Attrapais ce qui faisait office de frange, relevais la masse capillaire, dévoilant les yeux vides que tu contemplais l’espace d’une seconde, avant de laisser retomber le tout, comme si tu lâchais un sac d’ordures sur le trottoir. Tu te détournais, lui collais l’adjectif ‘ pathétique ‘ à la place de la figure, et avançais d’un pas souple vers la fenêtre. Un regard vers le lit, une rapide évaluation du confort matelassé et des draps tendus, un soupir, tu préférais la fenêtre. Accoudé a celle-ci, tu assistais a l’arrestation d’un enfant de douze ou treize ans, contrôlant un pouvoir qui avoisinait la combustion quelconque de gaz. Reconnus la CIA, oublia le fait aussi vite, ignorant tout ce qui se déroulait ailleurs. Tournais finalement la tête, observant la loque qui traînait sur le plancher, notant seleument l’absence de ce bourdonnement qui caractérisait son pouvoir. Et alors que tu envisageais avec sérieux la possibilité de la laisser la se morfondre jusqu’a ce que mort s’en suive, tu découvris la perspective attrayante d’un test.
Accoudé de dos à la fenêtre ouverte, tu laissais ton regard glisser sur elle, percevant dans un coin reculé – et bâillonné – de ton esprit qu’une personne sainement constituée l’aurait aidée. La majorité de ton encéphale te soufflant de jouer, de tester, d’analyser, tu fis selon ta coutume et tes règles. Tu te fis loup.
Ta main, paume vers le ciel, les doigts légèrement recourbés. Une boule d’électricité naissant au creux de celle-ci. Ton regard, se levant vers elle. Tes iris, flamboyants et aiguisés comme la lame d’une épée. Tes lèvres, ouvertes, un souffle d’air. La boule crépitante qui s’éleva, s’approcha d’elle, la percuta. Un frisson, doux, léger, a la surface de sa peau, Provoqué par la décharge que tu lui envoyais. Comme un vent de mauvaise augure.
« Loque désarmée.
Les mots tombèrent, comme un couperet sur sa tête, la qualifiant sans la moindre pitié, sans l’épargner. Malgré ce qu’elle avait fait, ce que tu faisais, a la pointe du sadisme malsain, provoqué délibérément. Cela t’étais égal.
Tu refermais la main, la plongeant dans ta poche, la toisant, pesant sur elle de tout ton poids, comme si de ton esprit tu pouvais amplifier sa masse et lui faire crever le plancher.
Un sourire asentimental, qui fleurissait sur tes lèvres. Ses tressautements, a elle, qui s’intensifiaient. Tu la sentais. Elle perdait le contrôle. Ce fut sans le moindre sentiment – ni joie, ni peine – que tu abatis l’épée sur sa tête.
« Le destin me réclame un échec et mat.
La reine était tombée. C’était à l’aide d’une idée jubilatoire à la pointe du morbide que tu allais la relever.
Mais quel aurait été le plaisir, si c’avait été de gré ? ~
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
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Sujet: Re: * Elégie. Jeu 9 Sep - 23:06
Et dans leur insipide langueur La lumière sombre sème Une douce rancœur
Aux reflets d’azur.
HATEFUL LIGHT.
Elle voguait entre deux eaux, sur les méandres tortueux de sa conscience
Les portes sur son monde s’ouvrirent. Une chaleur humide l’accueillit, ouvrant de larges bras pourpres et vermeils. Rouge, orange, écarlate. Ils dominaient son esprit, le bloquaient, l’agitaient à l’intérieur de la cage formée par ses mauvaises pensées. Ils imposaient une conception impartiale, toute idée confondue, tout concept mélangé, remué, ajouté à une sauce infâme et grise. Il n’y avait plus aucune différenciation, aucune distinction entre le bien, le mal, le mauvais et le bon. Son cerveau, sans lui demander son avis, avait décidé de briser toutes ses convictions.
C’était le bordel.
Elle flottait, sur le dos, à demi-consciente de son inconscient, à demi-inconsciente de son subconscient. Le corps, le cœur, l’âme, l’esprit, la conscience, la foi… Son corps l’avait lâché, son cœur n’était plus bon qu’à battre, son âme était en lambeaux, son esprit en ébullition, sa foi… anéantie. Avait-elle jamais eu foi en quelque chose? Les lambeaux de son âmes pleuvaient devant ses yeux. Ils se consumaient, lentement, pris d’une folie vermillon qui les réduisait à l’état de cendre, traçant un tableau absurde sur fond gris. Des silhouette tremblotantes se dressèrent, tendirent ses bras décharnés vers elle, suppliant, implorant, de leur bouche béante et immonde, telle un gouffre anthracite plus profond que le noir. De plus en plus nombreuses, translucides et maladives, difformes, ignobles, elles se levaient vers elle, nécessiteuses, désireuses, ambitieuses de son corps déchiré qui planait au milieu de leur monde décadent. Leurs bras s’allongèrent, la frôlèrent. Il s’étirèrent encore, la touchèrent. L’agrippèrent. La firent plonger vers le bas, brusquement. Elle tomba. Longtemps. Longtemps. Longtemps.
Encore un. Un supermassive black hole.
Elle se noya, dans le gris, dans le noir, et dans le rouge. Elle ouvrit la bouche, s’étouffa. Elle ouvrit les yeux, fut aveuglée. L’océan noyé. Le cobalt corrompu. Le saphir brisé.
Les silhouettes se multiplièrent encore, l’attirèrent vers le bas pour l’engloutir. Elle se tendirent brusquement avant de replonger vers elle, hurlante…
Un courant d’air soudain au milieu du corps. Un éclair bleu laissant une traînée de lumière azur.
Toutes les formes nébuleuses se fendirent en un instant, puis se consumèrent d’un feu bleuté en hurlant. Une forme effilée se dressait au milieu de la marée grise. Une garde d’argent gravée aux formes élégantes, d’où jaillissait une lame de lapis-lazuli effilée, à la pointe si fine que l’on ne pouvait la percevoir. Un furieux sentiment de puissance s’empara de son esprit, et le bleu roi tyran jaillit de toute part, noyant le rouge, le noir, et le gris. Il bondit en un tsunami furieux, combla les gouffres, pansa les plaies béantes qu’avait ouvertes le rouge, et éradiqua sans pitié le gris odieux.
Le bleu rageur tourbillonnait autour d’elle, l’évitant avec déférence ou la frôlant avec adulation et douceur. Il lui communiqua une force qu’elle s’était oubliée, une détermination à en faire trembler les murs de sa prison personnelle, ce dont elle se trouvait, quelques instants plus tôt, totalement démunie. L’épée trônait au milieu de tout, et Lilian, sans faire un geste, s’en empara. Brandissant sa lame comme une extension de son corps, elle reprit sa position incontestée et incontestable, de reine de l’échiquier. L’élément déterminant de la partie. Celui qui tombait, et se relevait. Sa couronne reprit sa place initiale, au sommet de sa tête, enserrant le flot de ses cheveux d’un anneau d’or et de saphir. Les lourdes tentures bleus rois drapèrent son monde intérieur, et lentement, elle releva les yeux.
Il lui avait tendu une main, qu’elle avait dédaigné en la toisant sans comprendre.
« Loque désarmée. « Le destin me réclame un échec et mat.
Ces paroles avaient-elles été l’élément déclencheur, la décharge qui l’avait fait réagir? Une caresse, un frisson, contre sa peau, langoureux, irritant, odieux. Un serpent jaune et blanc qui glissait contre elle, en tressautant. Une extension de son bras, de sa main… Une extension de lui. Il avait son pouvoir. On ne le lui avait pas enlevé. C’était absolument, totalement, parfaitement injuste et révoltant. La Reine se devait d’avoir un contrôle total sur ses sujets. Tout contrôle lui échappait sur celui-là, mais qu’elle aurait été l’intérêt, l’enjeu d’un tel pari? Le plier à sa volonté? Utopie déplaisante, elle n’en avait pas besoin. Ne l’aurait pas voulu, d’ailleurs, pour tout l’or du monde. Il était bien trop intéressant, bien trop désirable pour se laisser avoir si facilement. Et c’est avec ce sourire malsain, ce sourire odieux qu’elle lui connaissait bien, qu’il lui tendit la main. Main qu’elle toisa. Ignora.
Un échec et mat.
« Il peut bien te réclamer ce qu’il veut… »
Elle s’était exprimée, pour la première fois depuis son « opération ». Le timbre de sa voix s’était légèrement modifié. Son regard s’était fait plus sombre. Mais la frustration qui y brillait, elle n’avait disparue. Exacerbée même, par la présence du loup et de son irritant pouvoir. S’il osait la toucher, il l’arracherait en même temps que ses tripes. La Reine n’était du genre dépressif. Elle se morfondait, souvent, s’enveloppait d’une noirceur de velours, dont elle n’ arrivait plus à se défaire par la suite. Le pire dans l’histoire, était sans doute le fait qu’elle en fût pleinement consciente. L’épée se leva, trancha les cieux. La lame en suspens, prête à frapper, prête à s’abattre. Un fil d’araignée se déchira, quelque part.
« Il ne l’aura pas. »
Elle voulu un instant tendre le bras, agripper la chemise du cendré, l’attirer à elle, pour ui faire voir, lui faire comprendre l’étendue du gouffre qui s’était ouvert en elle. Pour le prévenir de ce qui, dans un futur proche, le détruirai lui aussi. Le prévenir, oui. Pas par gentillesse. Ni par générosité. Plutôt par cynisme. D’un bleu électrique éclatant, il nuançait son regard changeant. Regard qui se planta, sans défaillir, dans le mur d’acier qui s’affichait devant elle.
Va te faire foutre.
Curve Désaxé chronique.
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Sujet: Re: * Elégie. Sam 11 Sep - 19:44
Elles disent : « Fais-nous confiance, nous savons tes vices et tes secrets d'enfance » Elles disent : « Comme le feu, ce que tu veux te brûle quand tu le touches » Elles disent la morale, ce qui est bien ou mal Elles savent ce qui est sale, ce qui est anormal Pourquoi ces éclats de voix plantés dans mon crâne ? Las, je réclame un instant de calme Laissez moi essayer de penser par moi même Plus jamais agacé par le chant des sirènes
Elles disent : « Comme le feu, ce que tu veux te brûle quand tu le touches »
Et la violence qui me hante implose quand ça leur chante Je demande le silence comme une dernière chance Là où la folie commence.
Elle se releva ; toisa le mur. Leva l’épée, la soupesa. Trancha. Le métal s’ouvrit, laissant l’épée heurter le sol sans qu’elle ne puisse calmer sa voracité. Frisson de sarcasme. Et le vide.
Elle le toisa, pleine d’une toute nouvelle arrogance, gonflée d’une assurance qui ne céderait pas de sitôt. Seuls dans ses yeux liquides, un point doré voletait, vestige du sinistre. Une cicatrice sur une peau blanche, une goutte de sang sur un linge nacré. Il était la. Et sa détentrice le jaugeait d’un air victorieux, comme si elle venait d’abattre ses derniers soldats sans couleurs, alors que de guerre, pour lui, il n’y avait pas eu.
Alors, la laissant la se débattre avec ses démons, il se détourna. Totalement désintéressé d’elle désormais.
Ses coudes se posèrent sur la fenêtre, le bois y était rêche, mal poncé, sans doute troué d’échardes qui l’auraient mordu s’il avait eu le malheur de ne pas porter de chemise. Au lieu que quoi, le bois se contenta d’effilocher le tissu. Encore un peu plus. Un souffle d’air secoua les mèches cendrées, recouvrant parfois ses yeux, chatouillant son nez, ébouriffant certains et lissant d’autres. La brise poursuivit son trajet, frôla Lilian derrière lui, fit sans doute jouer ses cheveux a elle aussi. Le plissement léger d’un tissu que l’on froisse, la brise repartit, sans qu’aucun d’eux n’ait prononcé un mot. Alors, il se plongea lentement dans le bain tiède de ses pensées, songeant a l’attitude que peut-être, il aurait du adopter.
Retour en arrière. Marche lente. Stop.
Elle l’avait ainsi toisé, rayonnant alors d’une force nouvelle, comme si effectivement, l’ennemi s’était agenouillé a ses pieds. L’ennemi, était-ce lui, ou ses démons intérieurs ? Quelle guerre avait pu l’affaiblir au point de la transformer en un tas crasseux de cheveux ternes et emmêlés, d’hygiène sordide et de dépression avancée ? Au point de s’asseoir sur le plancher et ne plus en décoller. Jusqu'à ce qu’il vienne. La provoque, titille sa conscience pour qu’elle revienne. Parce que le jeu n’avait aucun intérêt avec une fille telle qu’elle avait pu être. Une proie trop facile, une valse trop courte, ennuyeuse. Il était tellement plus simple d’avaler sans relâche une nourriture insipide, un féculent commun tels que pâtes et autres sans saveur, plutôt qu’imposer a ses papilles un régime salé et pimenté, ou le goût y était roi, qu’il soit acide ou pas. Les filles insipides l’ennuyaient profondément. Elle avait été, l’espace de quelques minutes, la personne la moins intéressante qui soit. Il aurait pu en être déçu, si elle avait eu le privilège d’être un être cher a qui il tenait. Le privilège n’avait jamais été utilisé. L’avait – elle elle, dilapidé a l’excès ?
« Il ne l’aura pas.
Il cilla, détourna les yeux du spectacle du sordide quartier, lui jetant un regard franc, clair, explicite. Il se foutait ouvertement de ce qu’elle pensait. Et de surcroît, elle était ennuyante.
« Quelle importance ?
Cingla t-il, froid, abrupt. Il aurait pu lui claquer la porte au nez, si porte entre eux, il y avait eu. Mais porte il n’y avait pas. Fenêtre en revanche …
La laissant la avec ses convictions, les doigts étroitement refermés autour de l’appui de fenêtre, le loup observa le toit. Tuiles rêches, en pente très douce. Comme si les toits avaient été conçus pour l’abriter de l’ennui des humains. D’un bond, il s’arracha a la gravité, se glissant dans l’ouverture salvatrice comme un souffle d’air, sans même faire grincer le bois. Curve, le spectre éternellement blasé.
Le spectre n’avait pas prévu l’existence d’une communauté de volatile sur son propre territoire presque aérien. Et aussitôt fut – il assis a l’extérieur qu’il observa que les alentours étaient pavés, non pas de tuiles, mais d’une couche supérieure de fiente savamment séchée a l’air libre. Certaines plus fraîches que d’autres. Très bien. Et s’il n’était pas un partisan de l’hygiène, il ne comptait pas marcher pieds nus dans du guano d’un quelconque volatile. Il resta donc assis ou il s’était posé, en un endroit miraculeusement dénigré des oiseaux. Tant mieux. Géo-localisation ? Sur les toits. Mais encore ? Il était posé contre un pan de mur brut, a gauche de ladite fenêtre, de telle sorte que Lilian ne pouvait le voir que si elle passait sa tête a l’extérieur. Dans ce cas la, il était clairement a portée de main. Et doutant franchement qu’elle viendrait lui en coller ne parce qu’il n’avait rien a foutre de sa petite victoire personnelle, le cendré s’affirma plutôt satisfait de son refuge, qu’il soit temporaire ou pas.
Il ouvrit alors la main, dévoilant dans sa paume, une fine chaîne en or, délicatement ciselée, d’où pendait à son extrémité, un pendentif sculpté avec talent. Le loup, en plus de tous ses vices, était un voleur. Et de talent, si l’on en voyait la non réaction de sa victime lorsqu’il l’avait dérobé, alors qu’il était a portée de mains, de pieds, de dents ou de … Cris. Un léger sourire releva ses lèvres pales, alors qu’il contemplait son butin.
A l’inverse des pies, Curve n’était pas attiré par ce qui brillait, s’en éloignait plutôt. Œuvres d’arts en tout genres, statues, argent quel qu’il soit, breloques ou rubis, qu’elles soient en or véritable ou en faux diamants, les choses reluisantes de luxe faisaient fuir l’oméga. Ce n’était donc pas le bijou en lui-même qui avait déconcerté le loup, mais ce qu’il pouvait signifier. Sa propriétaire n’était pas une demoiselle a chichis. L’objet devait avoir une valeur sentimentale.
Ouvrant la main, laissant le soleil jouer sur les motifs de l’or pur, il laissa le poids du pendentif glisser hors de sa main, les maillons de la chaîne suivant paresseusement, avant de se tendre, pour que le poids lourd puisse balancer librement dans l’air tiède de cette étrange matinée. La chaîne étroitement enroulée autour de ses doigts, formants nœuds, boucles et autres motifs involontaires, le cendre releva le bras, ses yeux posés sur le mouvement lent du pseudo pendule, cherchant a percer le mystère de cet étrange parure.
Un cadeau. Parce qu’elle n’avait pas pu l’acheter seule. Elle n’aurait pas voulu, n’aurait même pas regardé la vitrine d’un bijoutier. Par un proche de la famille ; ses parents sans doute. Parce qu’il n’y avait pas de fratrie. Et parce qu’à leur disparition, le pendentif avait pris une tonalité toute autre. Elle tenait à l’objet, l’adulait. Il était symbole d’espoir comme de nostalgie et de tristesse. Il était l’unique vestige d’un bonheur qui ne reviendrait plus.
Son cœur. Son âme. Une partie d’Elle.
Lilian’s essence.
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
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Sujet: Re: * Elégie. Dim 12 Sep - 1:26
Now, dance Fucker, dance!
Man, he never had a chance And no one even knew It was really only you
And now you steal away… Take him out today…
Nice work you did You’re gonna go far kid!
Et il se détourna. Encore. Ce devait être devenu une seconde nature chez lui… Si bien que cela en devenait banal. Il ne changeait jamais de réaction? Elle aurait voulu voir quelque chose de différent. Elle s’était découverte une force qu’elle avait besoin de tester. Seulement sans aucun répondant de la part de son adversaire, il n’y avait pas vraiment lieu de tester quoi que ce soit.
Et ça avait le don de l’énerver prodigieusement. Agacée par son manque de réaction, elle finit par baisser sa lame, laissant la pointe effleurer le sol en une caresse mortelle. Il était assez difficile, en soi,, de se mouvoir avec une épée, aussi imaginaire fût-elle. La valse était trop courte, le menuet trop lent, le tango trop plein de sous-entendus. Des trois, elle préférait la valse, associée à la folie.
Et il se retourna.
Sa frustration monta d’un cran. Il était absolument méprisable, et tout à fait odieux, et se sentait obligé de le prouver toutes les cinq minutes. Une girouette au visage changeant, qui indique tantôt la direction, tantôt un chemin trompeur, à l’esprit fourbe. Il se complaisait dans sa sphère de jeu personnelle, profitait de l’influence dont il semblait être conscient davantage à chaque minute qui passait. Il savait qu’il ne laissait personne indifférent. Pas même elle. Pas même la Reine. Elle le voulait, tyrannique, parfait dans son imperfection.
Une sourde possessivité occulta tout le reste, inonda ses tympans de remarques sarcastiques. Elle n’avait plus de pouvoir, et donc plus de moyen concret de se défendre contre lui. L’abordait sur un terrain mental était risqué pour elle, et pour lui. Ne restait que l’échiquier. Comme à son habitude, sa fâcheuse et contrariante habitude, il sauta à pied joint entre deux case. Ni blanc, ni noir. Gris, gris, et gris.
Le cendré se détourna vers la fenêtre, l’air totalement désintéressé, les paupières à demi baissées sur ses iris d’une neutralité absolue. Ce manque de subjectivité l’irritait au plus haut point. Ne pouvait-il pas prendre parti un fois dans sa vie? Ne pouvait-il pas assumer les conséquences de ses actes, au lieu de les fuir constamment? Un courant d’air rentra dans la pièce, tel une écharpe de soie. Il vint ébouriffer les cheveux du Loup, leur conférant un reflet d’argent liquide, puis vint s’enrouler autour de Lilian, soulevant quelques mèches d’or.
Il avait fait exprès. C’était certain.
De la provoquer. De la faire réagir par un des moyens les plus désagréables. Il avait essayé de lui faire regretter. De lui faire voir à quel point elle avait l’air pitoyable. De lui montrer qu’il se désintéressait totalement d’elle , qu’il la laisserait en plan sans aucun scrupule. Tout ça avait été orchestré soigneusement par son cerveau, qu’elle soupçonnait être de mèche avec ses muscles faciaux. Les deux étaient si bien synchronisés qu’elle pouvait lire sur le visage du cendré avant qu’il n’ouvre la bouche, ce qui n’arrivait pas tous les trente-quatre du mois.
« Quelle importance? »
De l’importance, c’est toi qui en trouvais tout à l’heure, mon petit. Et c’était à elle qu’il posait la question? Odieux personnage qu’il était… Sa voix claqua, sèche. Puis il se détourna vers la fenêtre, qui semblait,, elle, bien plus intéressante. Les mains contre la bordure, il passa la tête dans l’encadrement pour observer le toit. Elle-même n’avait pas encore eu le temps de le faire… Il l’avait prise de vitesse. Souple, il prit appui sur ses bras, passa à travers l’encadrement, puis s’accroupit une fois passé de l’autre côté. Elle ne le percevait plus qu’à travers la vitre poussiéreuse. Il semblait lui aussi légèrement contrariant, de trouvant d’endroit ou s’asseoir au milieu des fientes et autres choses du même genre. Il finit par s’asseoir juste à côté de la fenêtre, là ou l’avancée de l’encadrement permettait de garder un semblant de propreté là-dessous.
Elle entendit plusieurs corbeaux se manifester à l’intérieur de l’appartement miteux, elle les sentit s’envoler en battements d’ailes désordonnés vers l’extérieur. Elle observa leur manège un moment, puis son attention vut de nouveau aimanté par le cendré. Elle le toisa un moment, cherchant un quelconque signe d’un quelconque sentiment, quelque qui lui permettrait de savoir comment réagir en cas de…
Elle faillit se retourner.
Au moment où elle esquissait un geste, elle perçut un éclat doré derrière la vitre sale. Fronçant les sourcils, elle se mit en mouvement et s’approcha de la fenêtre. Et le reflet dans les mains marmoréenne se précisa.
Elle allait le tuer.
Elle ouvrit la fenêtre à la volée. La frustration et la contrariété accumulée explosèrent puis se mélangèrent au reste de la mixture de rage qui se préparait dans son esprit. Mais comparé à sa colère, cette véritable fureur qui montait en elle par vagues successives et croissantes en intensité. Elle eut d’abord très chaud, puis froid. Toutes les vannes de son esprit cédèrent, et il se retrouva noyé sous une marée noire d’idées sombres et collantes. Le tout sur une sauce écarlate, le rouge sanglant de la colère qui monte, éclate et tue. Le bleu roi tyran et le rubis haineux, associé en une même pierre, qui remplaça toutes les autres sur la garde de son épée. D’un pas mécanique, elle rouvrit la fenêtre qui se fermait à chaque fois qu’on la poussait, si violemment que le cadran se fendit. Furibonde, elle tendit une main agressive vers l’extérieur, effleura le tissu, si agrippa avec rage. D’un geste brusque et avec une force dont elle ne se soupçonnait pas capable, elle arracha le cendré à son refuge, et le tira de toutes ses forces à l’intérieur.
Sa main droite serrait si fort la chemise blanche du Loup que ses jointures blanchirent. La colère la faisait pâlir contrairement à beaucoup d’autre, si bien qu’elle se retrouva avec le même teint que celui du cendré. Les mâchoires crispées, elle les desserra juste assez pour prononcer trois mots avec une voix que la fureur faisait trembler.
« Rends-le-moi. »
Elle vit sa chaîne, enroulée entre ses doigts, glisser paresseusement, se couleur dans les creux de sa paume comme un chat sur les genoux de son humain. Elle vit le serpent doré se balancer tel un pendule à une rythme lancinant. Sa chaîne. Son trésor. La partie d’elle-même qu’elle avait ardemment désiré ne jamais montrer à personne. Il avait commis le pire des crimes. Le plus grave des outrages.
Elle ne lui pardonnerait pas. Pas cette fois.
Son absence de réaction la fit tressaillir de rage. Elle eut envie de le frapper, d’ôter de son regard cette sempiternelle expression d’indifférence teintée de dégoût.
Il n’avait aucun respect, pour rien ni personne.
Son indignation était si grande qu’elle en mélangeait ses deux langues, les émotions les plus fortes se traduisant par sa langue maternelle.
« YOU, BASTARD! »
Ses yeux écarquillés par la fureur laissaient apercevoir la tempête ultra-violente qui illuminait ses iris, qui alimentait de sa pluie, son animosité grandissante. Le courroux de l’océan était le pire de tous. Pire que la foudre ou les grondements furieux de l’orage, pire que le volcan qui entre en éruption, pire que le glacier qui s’effondre de toute sa hauteur. Au paroxysme de sa colère, elle poussa le gris, le fit basculer. Elle s’effondra avec lui, ne voulant absolument pas lâcher prise. Elle se retrouva sur lui, mais la situation dans laquelle elle se trouvait était totalement occulté par son sang qui battait ses tympans, sa furie qui roulait dans ses veines en un torrent furieux, plus ardent que la lave. Son corps était passé d’une totale inactivité, à une ébullition de sentiments intenses. Le bouillon s’agitait, encore et encore, dans son esprit, lui hurlait de massacrer le criminel, de l’achever, le mettre à mort selon le courroux de la Reine. De Reine Bleue, elle était devenue Reine Rouge.
Si son pouvoir avait coulé, dans ses veines, en ce moment précis, l’immeuble aurait explosé.
Elle se jeta en avant, main grande ouverte et tendue vers son bien. Elle plongea vers le Loup.
« FUCKING WOLF! RENDS LE MOI ENFOIRE, POUVOIR OU PAS JVAIS T’ETRIPER! »
Elle attendit à peine de reprendre son souffle. Son esprit lui hurlait de l’insulter de tous les noms. « T’as pas le droit d’y TOUCHER, FUCKER! T’AS AUCUN SENS DE LA PROPRIETE? C’EST QUOI TON PROBLEME, MERDE?! »
Un coup parti, sans prévenir, sans signe avant coureur. Elle ne frappa pas ce visage qui lui faisait effrontément face. Dans l’instant, dans l’immédiat, la seule chose qu’elle voulait, c’était ce que lui avait dérobé l’immonde loup. Elle frappa l’épaule rattachée au bras qui retenait l’objet de sa folie furieuse. Qu’il le lui rende, la prochaine fois, elle aurait la tête.
Aucune réaction. Un tsunami la submergea, et elle se mit à frapper cette chemise qui l’irritait, ce blanc encore immaculé. Elle avait des envies de meurtre. Aurait voulu la tâcher de sang. Ses cheveux trop longs s’emmêlaient dans ses propres doigts, trainait sur le sol alors qu’elle était assise, accroupie ou bien couchée dans une position improbable sur le corps du loup, non crispé, même pas tendu.
« T’ES SOURD? BLOODY STUPID! »
Peu lui importaient les conséquences.
Curve Désaxé chronique.
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Sujet: Re: * Elégie. Dim 12 Sep - 19:48
Peau, dans la peau, dans la peau j’ai le vice comme la belle est complice surgissent aux commissures un appétit de luxure comme une montée subite nous incite nous invite à des gestes explicites
mon esprit se divise, se dissipe, se disperse ...
Évidement qu’il s’était détourné. Quel aurait été l’intérêt du jeu, sinon, de son point de vue ? Lui tenir tête, laisser la vague monter et grossir en elle, et supporter le tsunami parce qu’il était la borne qui la réglait a volonté ? Non, il ne voulait pas ce rôle. Les autres étaient faits pour ça. Pour être ce qu’elle voulait qu’ils soient, pour l’agacer, l’énerver, la calmer ou la rendre tout simplement hystérique. Lui il n’était la que pour briser tous les plans qu’elle montait, pour fendre a coups de burin argenté, la bulle qu’elle se créait en l’incluant dedans. Dans son monde, elle n’était pas reine. Et lui prouver était un divertissement constant.
Ce n’était toutefois pas toujours simple. Mais il était avantagé, habitué a réfléchir vite et bien, il analysait a la vitesse de la foudre, les multiples possibilités envisagées. Éliminait sans pitié celles ou il était désavantagé, rayait celles auxquelles elle s’attendait. Puis il observait son panel, et créait une autre option que personne n’avait eu l’idée d’imaginer. S’en servait savamment, pour surprendre, agacer, provoquer. Pour manipuler, tout simplement. S’il désirait susciter la surprise, la crainte, la satisfaction ou la haine, il savait exactement comment réagir. Restait à lancer les dés, à jouer le temps d’une partie, et attendre le prochain tour. Tout était facteur de risques, à la fois déterminant majeur et mineur. La vie n’était rien de plus qu’un jeu dans lequel il évoluait a son gré. Comme s’il fendait les vagues au lieu de se laisser flotter. Trouvait la faille dans la tornade pour s’y glisser en toute sécurité. Il fuyait, fonçait, filait, valsait tout simplement ; et peu importait l’endroit et l’heure, peu importait la situation et les conséquences. Il ne prenait absolument rien au sérieux. Tout était aléatoire. L’humain plus que tout. Il avait simplement appris a faire avec, et jouait de son pouvoir sans le moindre scrupule.
Après tout, les remords ne servaient a rien. A moins de pouvoir remonté le temps. Et quand bien même avait – il pu qu’il ne l’aurait pas fait.
Il jouait bien. Il le savait. Il sentait sa frustration a elle, a cette pseudo reine qui montait, prenait en intensité a chaque battement de son cœur aliéné. Il sentait jusque dans sa moelle cet énervement grinçant qui émanait de sa svelte silhouette, qui faisait baisser les yeux a un enfant devant sa mère exaspérée, qui calmait sur l’instant l’impertinent qui devine que le coup va partir, que l’épée va tomber. Il aurait pu baisser les yeux. A l’irritation aurait succédé la satisfaction, hautaine et profondément méprisante. Il ne voulait pas de ça. C’était son rôle. Et en comédien dont la perfection frôlait l’indécence, il poussa son exaspération jusqu'à son paroxysme, pour la planter la, en ébullition, sans personne a qui s’adresser, sans victime a qui déverser toute cette rage accumulée. Il le sentait. Et il adorait ça.
Assis de l’autre coté de la fenêtre, le dos calé contre le bois rêche et a l’imperméabilité franchement douteuse, il lassait le serpent d’or glisser lentement contre sa peau soyeuse, les écailles étincelantes se déroulant avec une lenteur comme exagérée le long de son poignet a la peau nacrée. Un tintement léger, l’aimantant par une force qu’il ne pouvait définir, ne lui laissant pas même le temps d’envisager une quelconque lutte mentale. Le bout de ses doigts se posèrent sur le pendentif, alors que son autre main se refermait lentement sur la chaîne en suspension.
Le parquet craqua, brutalement.. Des pieds qui le martelaient, sans la moindre délicatesse, rompant la transe dans laquelle il s’était involontairement plongé, comme en communication avec les spectres de son passé. A Elle. Détachant avec regret ses prunelles liquides du serpent hypnotique, il jaugea la fenêtre, d’où se précisait les contours agités d’une forme en proie a une noire colère. Oh. Le fruit défendu. Il s’en était emparé, bafouant le droit de propriété.
La fenêtre s’ouvrit a toute volée. Il s’empêcha au prix d’un effort monumental, de déguerpir d’un bond félin, en habitué des toits qu’il était. Elle contre lui sur les toits, il la sèmerait sans embûches. Mais le collier sans sa hargne condensée, perdait tout intérêt. Il l’aurait jeté dans la plus proche poubelle, des que ses pieds toucheraient le sol. Il resta donc assis, les sourcils levés en une moue vaguement agacée.
Ce fut sans doute ce choix opté a la va vite qui les fit basculer. Dans tous les sens du terme.
Il sentit des mains qui l’agrippaient – encore – et qu’il basculait a l’intérieur. Il eut l’impression de quitter le paradis pour les limbes les plus profondes. Un tourbillon de hargne s’empara de son corps ; tendant le tissu a son maximum, perçant ses tympans avant même qu’il n’ait envisagée la simple idée de réaliser. Il méditait encore sur le transfert forcé qu’il venait d’effectuer lorsqu’elle ordonna.
Ignorait – elle ? Il était férocement allergique aux verbes à l’impératif.
Automatiquement, ses doigts se refermèrent en toute mauvaise foi sur l’objet défendu.
« YOU, BASTARD! »
Quand bien même avait – il été le plus grand des incultes, il se doutait bien qu’elle ne le désignait pas par un surnom affectif. Il cilla, l’observant sans la moindre tension, formidablement intrigué par cette noire colère qui la palissait a vue d’œil. Ses yeux flambaient d’une rage atroce, et si elle avait pu posséder un couteau, l’oméga imaginait fort bien avec quel soin elle l’aurait savamment découpé. Par petits morceaux, en le laissant souffrir le martyr, et en prenant un soin maladif pour éviter qu’il ne meure trop vite. Il fallait que la peine soit arrachée de son corps, et ce fut avec énormément d’imagination qu’elle se mit à le bourrer de coups, prenant soin a le coller parallèlement au sol, pour qu’il puisse profiter de la raideur du plancher, et de la pluie de coups qui pleuvaient un peu n’importe ou n’importe comment.
Alors qu’elle grondait comme l’orage en furie, en proie a de macro tempêtes , martyrisée par éclairs et grondements de tonnerre, il était calme comme la mer a l’aube, la laissant se déchaîner sans tenter la plus minime résistance. Il était bien trop occupé à l’observer.
Fasciné, il ne la lâchait pas, contemplant avec un mélange d’amusement narquois et de scepticisme victorieux, cette reine qui avait cédé face a ces assauts passifs et redoutablement efficaces. Elle avait perdu pied alors qu’il était d’un calme olympien, ne mesurant toujours pas l’étendue de ce qu’il avait pu faire, trouvant ennuyeux de vivre à la seconde même et d’endurer les coups en victime repentie.
Encore une fois, il était satisfait.
Encore un des pions gris sur cet étrange plateau de jeu, ou elle reine bleue était tombée, couronnée par un anneau rouge sang.
Un léger sourire effleura ses lèvres, alors qu’il se plongeait avec délices dans le bain tiède de son imaginaire. Effectivement, la réaction la plus flagrante qui aurait pu l’animer, c’était la riposte, ou l’hostilité. Il aurait très bien pu la virer d’une gifle sans pitié, se redresser, et la toiser avec un mélange de dégoût et de sarcasme, alors qu’au bout de sa main aurait pendu le fameux pendentif. Il aurait pu fuir, aussi. Mais le jeu aurait trop vite prit fin. Il aurait pu esquiver son grappin, et la narguer, vil et malsain, au paroxysme du méprisable.
Il avait opté pour la non – réaction, parce qu’encore une fois, il avait deviné que la passivité l’exaspérerait au plus haut point. Il avait raison. Ses poings ne déclenchant rien qu’elle ne puisse saisir et extirper a grands coups d’ongles et de gifles, elle se mit a donner de la voix. Ce qui fut nettement moins agréable.
« FUCKING WOLF! RENDS LE MOI ENFOIRE, POUVOIR OU PAS JVAIS T’ETRIPER! »
Il haussa les sourcils, toujours hypotonique. Certes, elle était parfaitement capable de plonger ses mains dans ses viscères fumantes, et de dérouler en hurlant des mètres et des mètres d’intestins, de crever ses poumons et d’empaler son cœur sur une quelconque fourchette. Mais il y avait loin de la coupe aux lèvres. Et contrairement a elle, il avait un pouvoir. N’avait donc pas peur. Devenait cependant que sans cette assurance, il aurait détalé sans attendre qu’elle provoque une quatrième guerre mondiale. Il réprima le « chiche ! » qui le rongeait avec aigreur, et l’observa, patientant pares la prochaine avalanche verbale.
« T’as pas le droit d’y TOUCHER, FUCKER! T’AS AUCUN SENS DE LA PROPRIETE? C’EST QUOI TON PROBLEME, MERDE?! »
Bien observé. Il n’avait aucun sens de la propriété. Elle avait pu le constater, lorsqu’il avait dérobé maintes couvertures pour éviter qu’elle ne lui claque entre les bras. Le monde était sien, et qu’ils soient encore a l’état de projet ou déjà achetés, chaque objet, chaque chose, chaque être même, était sien. Il l’avait démontré, savait le fait comme acquis. Le fait que la chose la gène elle, était loin d’être son problème.
Néanmoins, le loup commençait a trouver le jeu lassant. Le sol dur l’était bien trop, et ses membres commençaient a être franchement douloureux. Mais plus encore, les cris de la jeune fille lui écorchaient férocement les oreilles, et le cendré sentait sa patience s’amenuiser de minutes en minutes. Elle avait bien joué. Il n’était cependant pas son punching-ball attitré.
Restait a savoir comment calmer une tempête avant qu’il ne l’électrocute au point qu’elle puisse se décrire en un adorable petit tas de cendres cramées a point encore fumantes. Le bruit l’exaspérait plus que tout. Testant la réactivité de ses muscles antérieurs, il décréta que la calmer par la force se résumerait à un échec. Il pouvait bien la choper et l’immobiliser, mais elle resterait un animal en furie prêt a tout pour le torturer jusqu'à ce que mort s’ensuive. Inutile d’ouvrir la bouche, elle hurlait tellement fort que l’immeuble d’a coté devait suivre leur débat avec passion. Restait la ruse, encore une fois.
Quelle action pouvait déstabiliser cette étrange demoiselle au point tel qu’il puisse se relever avant d ‘avoir les deux bras réduits en charpie ? Il médita encore un instant, avant de tomber sur la tactique idéale. Retourna l’idée une ou deux fois, a la fois ennuyé d’en arriver la, et amusé d’avance par la tête qu’elle allait faire.
Il fut extrêmement simple de mettre la théorie en pratique. Elle le labourait tant et si bien de ses maigres poings qu’il aurait pu lui mordre le nez sans devoir l’attirer a lui. Il cilla, guetta le moment propice. Attendit comme un félin devant une gazelle. N’eut qu’à relever innocemment la tête, pour que ses lèvres se posent sur les siennes.
L’effet fut immédiat. Le silence pesa soudain, brutalement, mis a nu comme la lame d’une guillotine soudain relâchée L’avalanche prit fin aussi vite qu’elle s’était arrêtée.
A demi agenouillée a coté de lui, elle était en appui sur ses paumes relâchées, comme si chacun de ses muscles étaient passés d’une agitation extrême a une passibilité comateuse. Ses yeux écarquillés ne parvenaient pas a faire le point, son iris semblait s’amplifier lentement, comme le noir envahissant une pièce close. Et leurs lèvres reliées involontairement formaient une fusion si parfaite qu’il était difficile de distinguer d’où était la fin de l’un et le début de l’autre.
Il ne calcula pas le nombre de secondes qui s’écoulèrent entre le moment ou il s’était à peine redressé et celui ou il la repoussa. Le temps lui avait paru trop long, comme douloureux. Mais assez court pour qu’elle n’ait pas le temps de réagir. Le laps de temps idéal.
Affalé sur le sol, il releva un bras ankylosé, le posa sur ses yeux, le remontant, dégageant de longues mèches argentées qui voilaient sa vision. Entrouvrit les paupières, dardant un regard agacé vers celle soudain, qui s’était tu.
« Quelle bruyante créature…
Énonça t-il avant de refermer les yeux, haussant les sourcils, lui montrant explicitement que merde, elle n’avait pas eu l’idée de le frapper en silence ? Contre son front, un contact glacé lui fit une nouvelle fois ouvrir les yeux.
Le pendentif doré.
De nouveau intrigué – et oubliant instantanément ce qui avait pu se passer – il se redressa sur un coude, observant la fine chaînette qui avait laissé sa marque dans le creux de sa paume. Les maillons s’y étaient incrustés en surface, lui laissant pour tout souvenir, un semblant de tatouage a l’encre rouge pale. Le loup inclina la tête sur le coté, contemplant le tout, avant d’ouvrir les doigts, laissant tomber la chaîne sur la main de la reine. Le bijou n’avait plus le moindre intérêt. Pou le moment.
Il se redressa, observa les alentours comme s’il venait de s’éveiller. Darda un regard sur sa victime favorite, et détourna le regard. Laissant un indescriptible sourire planer sur ses lèvres.
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
Messages : 140 Date de naissance : 03/06/1995 Age : 29 Date d'inscription : 30/12/2009 Virus : Oméga Pouvoir: : Contrôle de la gravité Age : 15 ans
Sujet: Re: * Elégie. Lun 13 Sep - 20:52
Il me semble que les choses sont quelques peu démentielles…
Et puis se sacrifier Et puis se crucifier Sans hommages…
Et puis rester cachés Les corps écartés Sans espoir…
Et sa rage s’évanouit, lorsque ses lèvres rencontrèrent les siennes.
Ses pupilles se dilatèrent de stupeur. Un étau lui enserra la poitrine, coupant sa respiration. Un contact absolument détestable et tout à fait délicieux. Elle le regardait sans le voir, ce visage odieux, ce sourire méprisable qu’elle sentait contre ses lèvres, ce mur d’acier aux reflets changeants et fourbes. Son cerveau, assommé par le choc, se complaisait dans un état comateux. Ses doigts desserrèrent leur emprise, mettant fin au supplice du tissu martyrisé. Blanc, à l’instar de la couleur qui envahissait progressivement son esprit, comme une peinture nacrée qui dégoulinait d’elle ne savait où, l’immaculé revêtait l’intérieur de son esprit d’une parfaite neutralité, qui bloquait toute réaction, ne lui laissant aucune marche de manœuvre. Elle ne parvenait pas à s’en remettre. Il ne restait aucune trace de sa furie précédente. Totalement amorphe, les muscles relâchés, elle ne pouvait tout simplement pas y croire. Mais il n’ y avait aucune indignation possible. Aucune émotion, même. Elle cherchait une réaction logique, une émotion qu’elle aurait dû ressentir après un tel acte. Elle avait éprouvé tant de sentiments contradictoires à l’égard du cendré qu’elle ne pouvait faire le tri. De la colère. De l’indignation. Du désir. De la douleur. Du dégoût. De la répulsion. Du mépris. De la peur. De l’égoïsme. De la tristesse. Elle ne savait pas ou plus, et ces mots qui s’agitaient dans son esprit repeint, se tortillaient come des serpents, tentant l’un après l’autre de s’ancrer profondément dans ses convictions.
Bravo. Pour la déstabiliser, sur ce coup, c’était réussi.
Ah, ce qu’il devait être fier de lui, l’ignoble loup. Ce qu’il devait rire, intérieurement. Il avait eu exactement ce qu’il voulait. Il l’avait manipulée comme un pantin gigotant au bout de fils invisibles et tranchants. Il l’avait enfermée dans son propre étau. Tout ce qu’il voulait, c’était humilier la Reine. Entacher l’incarnation du pouvoir, salir sa dignité. Plus elle pensait à lui, plus les mots tournoyaient devant ses yeux. Toujours les mêmes, toujours les plus négatifs. Immonde, ignoble, détestable, odieux, exécrable, abject, infâme, imbuvable, abominable, et damné loup. Un instant auparavant, elle lui aurait bien fait bouffer sa queue. Mais elle n’était plus en mesure de réagir.
Et son contact se fit plus léger. Moins oppressant, plus déchirant. Puis disparu. Il avait rompu le baiser, de gré. Elle n’allait pas s’en plaindre, mais n’avait aucune raison de crier de joie. Il s’était servi d’elle pour sa satisfaction personnelle, puis l’avait jetée. Personne, et surtout pas lui, n’avait le droit de la jeter.
Mais malgré tout, elle n’en revenait, et ne pouvait en revenir. Il était si incroyable, si inconcevable à ses yeux que ce marginal, ce même asocial qu’elle avait rencontré quelques mois plutôt, eût pu délibérément aller chercher un contact aussi intime et malsain. Ils s’étaient touchés, oui. S’étaient tenus la main. S’étaient effondré, l’un sur l’autre, en le faisait plus ou moins exprès, plus ou moins par hasard. Mais jamais, jamais elle n’avait pu imaginer qu’une telle chose pourrait se produire. Ou bien pas comme ça. Pas dans ces circonstances. Pas si tôt.
Elle en eut envie de pleurer, de feuler de dépit. De hurler au monde entier son incompréhension et sa situation ignoble. Mais elle ne voulait pas que le monde la regarde. Parce qu’à elle seule, Lilian était le plus gros paradoxe que la Terre eût porté.
If for honesty, You want apologies, I don’t sympathize.
Il s’était saisi du pion, noir obsidienne. L’avait porté à ses lèvres. L’avait changé en albâtre.
Ostensiblement provocateur. Puis l’avait reposé sur l’échiquier, au milieu de sa cour sombre. De façon à ce qu’elle se découvre une nouvelle fois. Pour lui. Pour lui.
Elle en avait douté un instant après l’épisode des couvertures, mais l’hésitation n’était plus permise. Il était un monstre d’égoïsme, qui n’agissait que par intérêt. Et elle, était très, très mal placée pour lui faire une quelconque réflexion à ce sujet, étant donné qu’elle avait toujours fonctionné comme ça. Ne pensant qu’à elle et que pour elle. Ne cherchant rien d’autre que sa satisfaction personnelle. Selon ses principes les plus basiques, cette règle ne devait s’appliquer qu’à elle. A partir du moment ou les autres agissait dans le même état d’esprit, elle les considérait comme des égoïste finis et méprisables. Il semblait pourtant y avoir une nuance à celui du cendré. Il n’était pas tout fait comme celui des autres. Une teinte différente, une pointe d’autre chose. Il n’avait pas cette couleur criarde qu’était le rouge écarlate. Le sien donnait plutôt dans le pourpre. Et aux extrémités, un dégradé tirant sur un gris rosé. Il était différent de par sa nature, de par sa fonction, mais elle ne parvenait à saisir concrètement l’exactitude de la nuance.
Crimson Egoism.
Il la repoussa, neutre. Ses ongles griffèrent le bois du parquet lorsque ses mains se crispèrent. Ses muscles se raidirent, son dos se tendit. Puis le cendré releva un bras, écarta nonchalamment quelques mèches tombant devant ses yeux, puis planta son regard dans le sien. Ses lèvres s’entrouvrirent en un rictus si perfide, qu’elle aurait put apercevoir une langue bifide pointer entre ses crocs.
« Quelle bruyante femelle. »
Mal aux oreilles? Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, BadBoy.
Puis il referma les yeux, comme pour balayer son existence en l’effaçant simplement de son champ de vision. Mais elle ne lâcherait pas. Son bien le plus précieux était encore entre ces mains détestables. Il porta la chaîne à son front, l’air exaspéré, puis rouvrit les yeux et contempla le pendentif. Son pendentif. Elle ne lui aurait pas laissé pour tout l’or du monde. Puis il s’en désintéressa, de nouveau. Et le lâcha négligemment sur le main de la Reine. Sans perdre une seconde, elle s’en saisit, porta ses deux main à son cou, et l’attacha derrière sa nuque, en un geste expert. Elle prit enfin conscience de la tension qui bloquait ses muscles et sa respiration saccadée, et tenta de se détendre, en vain. Constatant qu’elle ne pourrait se calmer si elle restait à proximité du cendré, elle se releva brusquement, chancela un moment sur ses jambes ankylosée, puis se remit d’aplomb. Elle lui jeta un regard flamboyant de toute sa hauteur alors qu’il était toujours affalé sur le sol. Songeant un instant à le piétiner, elle se ravisa. Cela ne lui apporterait rien d’autre que davantage d’agitation.
Elle avait expressément besoin d’une douche froide.
Il n’y avait que ça qui pouvait chasser la tension de ses épaules et le stress accumulé. Sa sacro-sainte douche froide, un rituel jamais mis à mal. Elle avait toujours trouvé un moyen de s’en acquitté, peu importe la situation dans laquelle elle avait put se fourrer. Elle fit volte-face, dardant l’océan sur une porte en bois qui lui faisait de l’œil depuis un moment, puis s’y dirigea d’un pas raide.
La salle de bain.
Sa main se posa sur la poignée, la baissa dans un crissement sinistre, et poussa la battant. Elle se ravisa au moment de franchir le pas, marquant une hésitation.
« Si je t’entends ne serait-ce qu’approcher, je te tue. Pervers. »
Et de claquer la porte derrière elle. Elle s’affala contre cette dernière, dos appuyé contre le bois, et poussa un immense soupir de frustration silencieux. Mécaniquement, elle commença à ôter ses chaussures, enleva son pantalon et son haut, puis posa le tout sur le porte serviette qui, ne remplissant pas sa fonction première, ne portait justement aucune serviette. Elle ne releva pas, ou plutôt, ne voulut en aucun cas ressortir, passer devant l’ignoble créature, puis revenir. Il était capable de trouver un moyen pour l’emmerder en un lap de temps si court. Il avait une imagination fertile, le petit.
Elle se retrouva en sous-vêtement, contemplant un instant son reflet élancé dans le miroir à la propreté controversée, puis retira tout. Débarrassée de tout ce qui pouvait s’apparenter à du linge, elle tira le rideau blanc cassé monté sur ses anneaux en plastiques, pénétra dans le bac de la baignoire, légèrement fendu, puis repoussa le rideau. Car oui, ô grand luxe, malgré l’appartement miteux dans lequel tous les deux vivaient, ils avaient une baignoire. Elle saisit la pomme de douche, l’observa un instant, suspicieuse, puis ouvrit les robinets. Elle n’était pas tout à fait masochiste, aussi, elle régla d’abord la température à une agréable tiédeur, juste pour se tremper, puis ferma progressivement le robinet d’eau chaude. Quand l’eau fut à une température convenable, elle plaça l’extrémité sur le pied de douche, puis se plaça sous le jet, tête penchée en arrière, et ne bougea plus. Elle sentait l’eau froide calmer son irritation par vague successive, noyer sa colère, apaiser sa crispation. Ses muscles se détendirent, au fur et à mesure que le liquide se divisait en ruisseaux circulant paresseusement contre sa peau. Sa fureur et son indignation lui parurent alors futiles, totalement hors de propos. Qu’elle ait bien ou mal réagit à la provocation du cendré, peu lui importait. Le fait était qu’à présent, elle sentait le bijou tant chéri collé à sa nuque par l’eau, elle sentait son poids autour de son cou, elle percevait les émotions, les sentiments, et les bribes de son histoire qu’il avait absorbé. Ce qu’il représentait, ce qu’il valait, ce qu’il pouvait coûter… Tout cela n’était qu’une seule et même question pour elle. Il était à ses yeux le seul objet auquel elle donnait une valeur sentimentale. Elle, l’être, la Reine la plus vénale qui soit, trouvait à l’inanimé une toute autre valeur que celle de l’argent.
Une dizaine de minutes s’étaient écoulées, alors qu’elle s’était perdue dans ses pensées et son bien-être nouveau. Elle rouvrit les yeux, se moquant de l’eau qui pouvait y pénétrer, puis se baissa et saisit le gel douche. Elle l’ouvrit, le renifla - elle ne se douchait pas pour puer -, puis à peu près satisfaite de son odeur, elle en fit mousser une noix au creux de sa main et se tartina, en long, en large et en travers. Une mousse blanche vint parer son corps, donnant un certain hâle à sa peau pourtant claire. Rejetant la tête en arrière, elle laissa ses cheveux s’humidifier de nouveau, puis s’empara du second flacon qui trônait sur le rebord. Elle répéta le même manège que pour le shampoing, puis saisit la masse de ses cheveux et les frictionna vigoureusement. Et constata que, bon sang, ils avaient vraiment poussés. Blonds et raides, ils tombaient jusqu’à frôler sa taille fine, légèrement plus bas que le milieu de son dos. Et contrairement à la plupart des cheveux blonds, les siens avaient tendances à s’éclaircir avec l’âge. Elle aurait des cheveux blancs jeune. Le gris, lui, en était déjà fourni.
Après quelques minutes, elle se replaça sous le jet, porta ses mains contre son front et lava la mousse de ses cheveux, laissant à l’eau autonome le soin de rincer son corps. Elle regarda les derniers vestiges de mousse s’effacer, presque avec dépit, puis à contrecœur, referma le robinet. La Reine écarta consciencieusement le rideau, puis posa une jambe fine à l’extérieur du bac. Elle jeta un coup d’œil circulaire à la pièce. La pièce n‘avait pas vraiment chauffé, mais le contraste avec la température de l’eau la rendait tiède. La seule chose qui pendait misérablement sur le porte serviette était un tapis de douche rêche. Pas question de s’essuyer avec ça. Elle se planta au milieu de la pièce, bras croisé, et cherchant avec acharnement une méthode pour se sécher sans avoir à sortir nue comme un ver devant le cendré et son abominable caractère. Devant ce pervers. Mais il fallait bien avouer qu’essayer de remplacer une serviette n’était pas chose aisée. Alors, désœuvrée par le manque de solution qui s’offrait à elle, une idée toute autre germa dans son esprit.
Le mâle n‘avait pas encore pris sa douche.
Un sourire affable étira imperceptiblement ses lèvres. Elle fit deux pas vers la baignoire, se pencha, et ouvrit à fond le robinet d’eau chaude. L’eau gicla soudainement, puis s’écoula à gris bouillon dans le bac plus tout à fait blanc. Il avait plutôt intérêt à aimer l’eau froide, le petit.
Car luxe ou pas car présence de baignoire, c’était bien un cumulus qui les alimentait en eau chaude. Un cumulus d’ailleurs ridiculement petit. Lilian s’en moquait, étant une adepte de l’eau froide, mais pour les humains révérant l’eau chaude, la pénurie était difficilement acceptable…
C’était peut-être puéril comme vengeance. Peut-être était-ce même naïf. Elle n’en avait que faire, il méritait dix fois, cent fois, mille fois plus que ça. Il méritait un châtiment à la mesure de son crime. Il méritait qu’elle lui arrache les yeux et les lui fasse bouffer. Mais la douche avait quelque peu refroidi son esprit. Bien plus calme. Bien plus serein. Et bien, bien plus calculateur.
Curve Désaxé chronique.
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Sujet: Re: * Elégie. Mar 14 Sep - 20:19
Elle me dit Tu paieras tes délits Quoi qu’il advienne … ♫
L’ennemi Tapi dans mon esprit Fête mes défaites Sans répit me défie …
Je noie mon ennui Dans la mélomanie Je tue mes phobies Dans la désharmonie ~
MUSIC
L’espace temps s’étira longuement, avec une douceur feutrée, étendant la trame des secondes se muant en minutes, tendant avec une infinie douceur cette corde lustrée et faiblement élastique qui était la notion de temps du cendré. Tout semblait comme suspendu, comme si son cœur avait cessé de battre tout en battant encore, son cerveau de fonctionner alors qu’il filait a six cent tours par seconde. Les oiseaux avaient stoppé leurs battements d’ailes, et pourtant restaient suspendus, collés a un quelconque nuage de passage. La gravité maintenait mais n’oppressait plus, n’était plus que pilier, avait perdu son rôle d’aimant continu.
La Terre ne tournait plus et l’air même s’était mué en pâte comprimée à l’excès. Le monde était en pause.
Les volatiles qui prenaient leur toit comme abri incontestable s’étaient tus, et les plumes restaient suspendues entre deux couches de dioxygène, pas tout a fait en vol, pas tout a fait au sol. Le bruit extérieur se réduisait à un bourdonnement flou et continu, comme le ronronnement essoufflé d’une machine a laver dont la retraite était bien dépassée.
Le plus captivant restait la prétendue reine, immobile et raidie comme si la mort l’avait surprise et laissé son corps la, planté dans le décor sans juger utile de l’affaisser classiquement. La surprise l’avait tant pétrifié que rien en elle ne remuait, hormis quelques mèches de longs cheveux dorés, qui se balançaient lentement au gré d’une brise inexistante. Peut-être simplement poussés par sa propre respiration.
Et puis un bouton fut poussé, le temps reprit ses droits. D’ennuyeux bipèdes, en bas, reprenaient leurs ennuyeuses conversations reflétant leur ennuyeuse vie, leurs ennuyeux malheurs et leurs ennuyeux sentiments. Les oiseaux battaient des ailes, les plumes tombaient dans le bon sens, l’air circulait a nouveau, la terre enclenchait une vitesse supérieure pour rattraper son retard de quelques secondes. A moins que ce ne fut quelques minutes, ou quelques heures. L’unité dilapidée n’était pas précisée. Pas calculable.
Et la reine se redressa. D’un bond. Avec une telle facilité qu’il observa le spectacle avec une franche fascination, lançant déjà les dés, pariant pour l’une ou l’autre des options. Son corps pencha en avant, glissa en arrière dans un léger redressement dorsal. Ses pieds esquissèrent le début d’un pas, filèrent sur le coté, manquant de se croiser et d’amener leur maîtresse en une douloureuse – et ridicule – chute. Elle battit des bras, plongée dans un état proche de la concentration extrême, burlesque pantin aux fils emmêlés.
Enfin, au bout de quelques secondes, elle parvint à se tenir droite, cherchant à faire rayonner autour d’elle une aura de dure dignité, aussi opaque de son masque de profonde acrimonie. Lui avait une franche envie d’en rire, qu’il réprima consciencieusement. Se contentant de la jauger de haut en bas, perplexe a la simple idée qu’elle ne se soit pas encore une fois écroulée sur lui. Vu la tête qu’elle tirait, il aurait parié sur un furieux piétinement. Mais elle avait du deviner qu’il ne se laisserait pas faire. Qu’il n’était que passif uniquement lorsqu’il le désirait. Que sitôt le pied levé vers lui, il lui aurait fielleusement attrapé la cheville, enfonçant profondément ses ongles dans sa peau martyrisée, et aurait tiré, jusqu'à ce que son corps bascule, privé de centre de gravité tangible, et qu’elle s’explose le plus douloureusement possible contre le robuste plancher. Elle ne l’aurait des lors revu que dans les moments les plus sombres de son existence, que peut-être il se serait amusé a orchestrer, pièces par pièces. Elle restait sa marionnette, qu’elle le veuille ou non.
Mais sans doute n’avait – elle pas évalué tout ça. Sans doute avait – elle simplement remarqué qu’elle tenait faiblement sur ses jambes, et qu’amorcer une marche sur un sol malléable et sans doute remuant s’avérait une tentative risquée dont son taux de réussite avoisinait le zéro absolu. Elle avait donc filé vers une intersection aisée. L’observant avec le plus d’aigreur possible. Le regard en devenait presque corrosif.
Cela amusa le cendré. Il en aurait presque tendu la main pour toucher ces yeux si intrigants, pour vérifier si effectivement, ses doigts fondaient ou non a leur contact glacé. Elle ne lui en laissa pas le temps. Se retournant avec tant de raideur que ses vertèbres en craquèrent faiblement ; et se dirigea d’un pas furibond vers le seul échappatoire possible qui lui tendit la main. La salle de bain.
L’oméga se laissa lentement glisser au sol, flattant le bois de sa main engourdie, observant nonchalamment le plafond fissuré qui lui renvoyait un regard peu explicite. Lilian avait filé vers la salle de bain, pour se prendre une cascade d’eau sur la gueule. Chacun ses remèdes. Il la voyait mal filer vers la cuisine et, hargneuse, remuer les aliments pour faire un quelconque plat brûlant et férocement épicé, maniant les ustensiles avec une irritation proche de la folie. De même, elle n’aurait pas opté pour une promenade digestive en pleine rue, longeant de sordides quartiers aux habitants plus sales que leurs propres pavés. Mains dans les poches, bousculant quiconque ne lui laissant pas la place nécessaire pour vider son amertume, telle une boule jetant quilles et jambes en travers de sa route. Réduisant le bois en purée, la chair et les os en charpie.
Restait la douche. Il posa un bras sur ses paupières brûlantes, se l’imaginant se démener avec les divers textiles qui encombraient sa peau, claquer des pieds vers la baignoire, s’y jeter avec dévotion, laisser couler l’eau, fermant les yeux. Pulser l’austérité.
Il n’eut pas même l’idée indécente d’imaginer son corps dévêtu. Le concept ne l’effleura pas une fois, et il aurait sans doute repoussé d’un bras passablement agacé, cet oiseau vicelard qui s’acharnait à faire passer tout être masculin pour un pervers toutes catégories confondues. Il connaissait l’anatomie humaine, qu’elle soit féminine et masculine, et avait eu le malheur d’expérimenter les deux enveloppes charnelles. N’en demandait pas plus, sinon la promesse au ciel de ne jamais plus le laisser dans un corps de si basse catégorie.
« Si je t’entends ne serait-ce qu’approcher, je te tue. Pervers. »
Il n’ouvrit pas les yeux, ne remua pas un muscle, roula simplement des pupilles, hors de sa vue. N'avait-elle donc aucune notion de psychologie ? Ne devinait t-elle pas que l'ordre sitôt dicté, il prendrait un malin - et malsain - plaisir a le contrer de la manière la plus abjecte et revendicative qu'il soit ? Cependant, un sourire irrespirable provocateur se fraya un chemin de son encéphale jusqu'à ses lèvres, pour relever ses commissures en un fin sourire méprisant.
« Il me semble pourtant que l'essai précédent n'a pas été très concluant ...
Souffla t-il, enjôleur et caressant. Sur un ton qui glissa comme une plume au contact de l’air, effleurant sa peau avec douceur, sur un second ton faiblement amusé.
Et avec quel pouvoir me hacheras tu menu, mon trésor ?
Elle pensait le connaître alors qu’il se cherchait encore. Elle l’imaginait a la fois unique et ordinaire, laissant le lien entre eux persister parce qu’elle ne trouvait pas encore ce qui différait en lui. Il était cependant moins abject qu’il lui laissait voir et entendre.
Et qu’aurait –il fait au fond, si quand bien même l’idée de la pousser encore plus loin l’eut mené a ouvrir la porte de la sacro-sainte salle de bain ? Il serait resté planté la comme un con, a pointer un doigt accusateur sur elle.
L’expérience aurait pu marcher. Sur une autre femelle. Pudique, rouge de honte, absolument hors d’elle mais sans oser bouger. Elle, elle aurait sans doute bougé. Aurait réagi. Lui aurait balancé la première chose qu’il lui tomberait sous la main, allant du flacon de bain moussant a la barre de fer qui maintenait le rideau de position a peu près verticale.
Honnêtement, il ne voyait pas l’intérêt de la manœuvre. Il agissait par intérêt. Cette action n’en avait aucun. Aussi resta t-il allongé sur le sol, démangé cependant par l’envie irrépressible de marcher d’un pas étrangement bruyant vers la porte défendue.
Jouer avec ses nerfs. Quelle distraction contre versée.
Alors que l’eau avait commencée a couler, il retira le bras de ses yeux, laissa un soupir s’échapper de sa bouche demeurée close. Tourna la tête, et tomba sur une pile de serviettes propres empilées sur le lit. Quatre, d’un bleu terne, mais pas douteux. Quatre serviettes propres. Il n’aurait jamais eu l’idée de faire l’inventaire, mais se doutait qu’a eux deux, ils disposaient d’une dizaine de serviettes. Sur le lit était donc posée la totalité de leur butin.
Et miss monde se douchait actuellement, avec pour seule toge, un tapis de baon reche et mille fois piétiné.
Cette fois, la tentation fut trop forte. Il ne put tout simplement pas résister.
D’un bond, il dut debout, se saisissant du précieux linge, qu’il soupesa, par habitude. Jeta un regard dehors, ou quelques oiseaux volaient et batifolaient. Reposa son regard sur le tas de serviettes, ne put retenir un franc sourire, ses yeux pétillant d’une lueur tranquille et réjouie.
Il parcourut la pièce en deux enjambées, notant que l’eau s’était tue, puis avait repris un bref instant. Restant perplexe un moment, il chassa ses explications d’un mouvement de paupières, et passa devant la salle de bains. Pila. L’entendit presque maugréer, notifiant sur le choix d’un textile qui ferait office de serviette. Le choix était vite fait, il avait vu la salle de bains : le tapis de douche, recouvert d’une accueillante croûte de saletées incrustées, sur laquelle il ne poserait pas même ses chaussures ; et ses habits. Évidement, elle avait eu l’intelligence de ne pas prendre une tenue propre. Si elle s’essuyait avec son linge mouillé, elle n’aurait plus rien à porter. Il analysa quelques instants son centre de données peu fourni envers la gente féminine, définit qu’elle avait du se laver les cheveux, ou au moins les détremper suffisamment pour qu’ils dégoulinent deux heures minimum sans l’usage de serviette éponge.
Sourire, le retour.
Soudain, plus d’agitation. Visiblement, elle l’avait deviné, planté à quelques mètres de la porte, de profil, fixant celle-ci d’un air passablement satisfait et narquois.
Pénurie de serviettes ?
« Je t’aurais bien aidé … Susurra t-il, affable et d’une hypocrite courtoisie. Mais la vie m’es trop précieuse… Poursuivit-il, tragique, dans un dégradé de sons désappointés, en une comédie parfaitement naturelle pour celui qui ne l’aurait jamais connu auparavant.
Ce fut donc tranquillement qu’il s’éclipsa avec le précieux paquet, alors qu’elle venait de dilapider toute l’eau chaude du cumulus pour environ quarante-huit heures.
Après tout, entre eux, ce n’était pas de l’amitié. Pas de la haine ; pas de l’amour. C’était plus fort. C’était plus houleux.
C’était le Jeu
Tout simplement indétrônable. Plus additif que n’importe quelle substance plus ou moins licite ; plus fascinant que ses yeux de glace en fusion ; plus corrosif et prenant que n’importe quelle religion. Le Jeu était Le culte. Leur culte.
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
Messages : 140 Date de naissance : 03/06/1995 Age : 29 Date d'inscription : 30/12/2009 Virus : Oméga Pouvoir: : Contrôle de la gravité Age : 15 ans
Sujet: Re: * Elégie. Dim 19 Sep - 0:08
Les vagues du temps Semblent laver les scènes de nos crimes Pour que cela ne s’arrête jamais
Je danse autour de cette maison vide Démolissez-nous Rejetez-nous Tournant autour et nous tombons Euphoriques
Il me semble pourtant que l’essai précédent n’a pas été très concluant…
Elle avait déjà claqué la porte.
Et se retrouvait, au milieu de la pièce ridiculement étriquée, les pieds recroquevillés sur les carreaux froids d’une blancheur douteuse. Elle dégoulinait. Ses cheveux trop longs s’égouttaient dans son dos, lui arrachant un frisson à chaque particule de liquide qui se détachait de la masse pour s’écraser sur ses reins. Et même en y mettant toute sa volonté, toute sa force mentale, et y concentrant, en y focalisant tout ses pensées et son esprit, elle n’était pas arrivée à faire apparaître une serviette. Même pas un quart de serviette. Même pas un bout, un coin, une fibre. Rien. Elle était, - et il était plutôt ironique de le dire, dans de beaux draps. Elle eût d’ailleurs prié, en cet instant, pour en avoir.
Elle restait là, plantée au milieu de la pièce, sentant les bienfaits de la douche s’atténuer au profit de la frustration qui revenait par vagues lascives. Et le pire était qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Ce que bien évidemment, elle n’aurait, et ne ferais jamais. Il était inconcevable pour elle de s’incriminer. Rejetant sans cesse la faute sur les autres, sur le contexte, sur les circonstances, elle n’avait, à l’entendre, pas d’incidence sur le monde, mais le monde s’acharnait sur elle. Il lui faisait oublier une serviette, mais également tout bon sens. Elle était entrée dans une colère noire, une rage folle devant une provocation évidente du cavalier gris. Mais comment rester impassible devant un être si odieux qu’il pouvait briser ses lois en sautant sur les lignes? Si détestable qu’il n’adoptait aucune des non-couleurs de son monde bichrome? Elle ne pouvait simplement pas. Cette absence de réaction, ce calme olympien, ce désintéressement et ce mépris total qu’elle pouvait afficher devant la face du monde, ne s’appliquaient pas à lui. Pas dans les même proportions. Pas sou les mêmes conditions. Le Jeu avait des règles, dont la première était celle qui stipulait de les briser les unes après les autres. Et même si elle avait de plus en plus de mal à l’admettre, même si, après ce qu’il venait de faire, le seul désir qui alimentait son cœur était celui de lui arracher les yeux, elle ne pouvait nier qu’ils formaient un tout. Un atome, peu commun, dont le noyau, eux, était composé de protons libres et en conflits permanents, flottant au-dessus d’un masse grouillante d’électrons bien rangés et disciplinés, conditionnés par la pensée commune. Ils formaient un ilot de décadence. Deux être, à part entière, qui ne se rebellait pas, mais refusaient, envers et contre tous, de se fondre dans la masse. D’obtenir un quotidien. Une routine. Ces mots, à peine pensés, lui tordaient furieusement l’estomac.
Et puis, elle le sentit. Elle ne savait comment, ou pourquoi, mais elle était certaine qu’il se trouvait là. Derrière cette porte affreuse, dont le contre-plaqué jaunissait aux coins. Elle sentait les billes d’acier traverser la paroi, la toiser avec condescendance. Il faisait preuve d’une hypocrisie affable particulièrement détestable. Sa voix de velours coula, dégoulina même, dans un flot de paroles prononcées avec application.
« Je t’aurais bien aidé… » « Mais la vie m’est trop précieuse. »
Et de se retourner, avec une lenteur exagérée. Et de repartir, les bras chargé d’exemplaires multiples de l’objet de sa convoitise. S’il attendait qu’elle le supplie… Elle sècherait toute seule, comme une grande.
Elle commença à trouver le temps long au bout de cinq bonnes minutes. Il n’y avait rien à faire pour s’occuper dans une pièce aussi étroite, et pour ajouter une dimension frustrante voire gênante, elle était nue. Les perles de liquide se raréfiaient sur sa peau, mais ses cheveux, eux, refusaient de rendre la moindre goutte. Le seules qui s’arrachaient à l’emprise de la masse venaient l’irriter encore plus, et s’écrasant sur ses reins puis dégoulinant le long de ses hanches. Non, il lui fallait franchement une serviette.
N’était-ce que pour sortir de la salle de bain Il était absolument hors de question qu’elle remette ses habits sales. Elle ne s’était pas douchée pour devenir, en moins de deux minutes, aussi sale qu’elle ne l’était avant de plonger sous une cascade réparatrice. Elle parcourut la pièce une nouvelle fois, puis encore une autre, en long, en large, en travers, au niveau du sol, au plafond, sous le maigre meuble… Rien. Elle ne trouvait aucun moyen d’échapper à la situation foireuse dans laquelle elle se trouvait. Alors qu’elle perdait espoir et que ses iris dérivaient, sans raison, elle buta sur quelque chose.
Le rideau de douche. Il était certes légèrement transparent par endroit, était effiloché vers le bas, et les poissons bleus et jaunes qui l’ornaient n’étaient pas du goût de tout le monde, mais elle n’était pas en position de faire la difficile. Prise d’une nouvelle détermination, elle leva la jambe et posa un pied ferme contre le rebord de la baignoire. Elle s’y hissa avec prudence, calla son autre jambe, puis leva les bras lentement et attrapa la barre de fer qui maintenant les rideau devant la baignoire. Elle la saisit de ses deux mains, dans la même position, comme si elle s’apprêtait à faire des tractions. Puis, guidée par la colère et l’envie, elle tira de toute ses forces sur la barre, qui résista - à son grand étonnement -, pendant plusieurs minutes, et soudain, céda. Elle s’écrasa contre le sol pavé en un fracas métallique, puis roula sur les carreaux et s’écrasa contre la baignoire. Lilian hésita un instant, pesa le pour et le contre. Puis se baissa. Elle saisit la barre d’une main et le rideau et de l’autre, et en détacha tous les anneaux, pour libérer le tissu étanche. Elle laissa tomber le tout sauf le rideau, qu’elle soupesa, en lui jetant un regard suspicieux. Elle n’avait pas vraiment le choix.
Priant pour ne jamais avoir à le refaire, elle s’appliqua à nouer le tissu comme un paréo sur son corps. Elle testa la solidité des nœuds plusieurs fois, un peu trop consciente de ce qu’elle s’apprêtait à faire… Puis elle se dirigea vers la porte, on ne pouvait moins résolue. Elle posa une main sur la poignée, ferma les yeux un bref instant, sentant malgré elle que si c’était la seule qu’elle possédait, l’idée n’en restait pas moins mauvaise. Puis, après une grande inspiration, elle ouvrit la porte, et sortit de la salle de bain. L’eau, désormais froide car elle avait épuisé les réserves de chaude, coulait toujours dans le bac.
Elle s’arrêta juste derrière le pas de la porte, prise d’une furieuse envie de retourner dans la salle d’eau et d’y rester jusqu’à la fin de ces jours. Mais le caractère tout à fait dégradant de la chose, et surtout, ses cheveux qui dégoulinaient dans son dos, l’en dissuadèrent. Aller. Elle triompherait, au bout du compte. C’est ainsi que vêtue d’un rideau de douche, elle traversa la pièce sans dévier, droite et aussi digne que la situation le lui permettait, aussi fière qu’un sénateur romain vêtu de sa toge de parade. Elle était une Reine, après tout. Elle devait créer les modes dans son royaume. Bien qu’elle doutât que celle-ci pût être acceptée du cendré. Un loup-serpent assorti d’un rideau de douche… Non, c’était trop mauvais pour son image déjà mise à mal.
Ses pieds nus et mouillés laissaient des empreinte sur le parquet douteux, si bien que n’importe qui aurait pu la suivre la trace. Mais elle n’était pas chassée à ce moment là. A présent, c’était elle qui traquait. Des serviettes, certes. Certains tuent pour moins que ça…
Elle tourna la tête. Son regard tomba sur un accent circonflexe à l’envers. Un sourire perfide étirait les traits du cendré, plissait ses yeux en un rictus mielleux, et sa voix, elle en était certaine, devait couleur comme du velours liquide derrière ses lèvres closes. Vas-y. Ris, Hateful. Donne moi une raison de plus de ne pas rater ta tête, cette fois.
Il était nonchalamment appuyé, une épaule contre le mur, les bras chargés de désirées serviettes. Le rideau de douche protesta bruyamment lorsqu’elle s’élança vers le gris, en grandes enjambées, féroces, calculées. Elle n’avertit pas, ne demanda ni ne dit rien. Arrivée à cinquante centimètres de lui, elle tendit les deux bras, crocheta férocement les serviettes de ses doigts, et les lui arracha des mains. Sans prendre le temps de retourner dans la salle de bain, elle s’occupa de ses cheveux humides qui la gênaient pendant tout ce temps. D’un geste expert, elle passa une main derrière sa nuque, tira vers le haut la masse de ses cheveux pour la dégager du nœud du rideau, puis déplia une serviette et enroula ses cheveux dedans, les redressant sur sa tête tels un turban pour les empêcher de revenir se coller contre sa nuque. Elle considéra les trois serviettes qui lui restaient, puis la caricature du sourire odieux qu’il lui avait affiché quelques secondes plus tôt s’étala sur son propre visage. Et dans un souffle mi haineux, mi fielleux, elle se fendit d’un;
« Merci. »
Le toisa un moment, puis commença à se diriger vers la chambre qui contenait ses affaires propres. Elle pouvait maintenant faire les choses en ordres: aller chercher des vêtements lavés, retourner dans la salle de bain, se sécher complètement, s’habiller. C’était son programme immédiat. Son futur à court terme.
Curve Désaxé chronique.
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Sujet: Re: * Elégie. Mar 21 Sep - 22:30
Je te préviens petite, ça va mal terminer. C'est qu'on peut vite se rendre fou à jouer à qui tiendra le coup
Ses doigts se refermèrent autour de la pile de textile mi douce, mi rêche, alors que leur détenteur semblait chercher malgré lui ce qu’il allait faire après. Certes, il avait ce qui l’avait aimanté, possédé l’espace d’un instant. L’hypnose avait cessé, laissant l’unique pion au centre de la pièce, les bras chargés de serviettes dont il ne savait absolument pas quoi faire. Après avoir enclenché quelques pas, il évalua, comme à son habitude, le panel fourni d’options qui s’offraient a lui. Buffet individuel où il était le seul convive, autorisé a choisir un seul met parmi la multitude proposée. Tendre la main vers un plat effacerait instantanément les autres, mais ferait apparaître en contrepartie, d’autres entremets en complément du précèdent. Suite d’actions dont il était le chef d’orchestre.
Passif, l’oméga se mordilla crânement la lèvre inférieure, avant d’étaler ses cartes devant lui, les balayant d’un œil peu captivé. Effaça d’un mouvement de paupières, celles qui portaient la mention AIDE bannissant le fait qu’il puisse apporter un quelconque complément positif dans la situation de la blondinette détrempée. Il pouvait aussi cacher le fruit de son larcin, et savait exactement ou. Une simple chambre, aussi vide soit-elle, n’était rien qu’un rayon de cachettes en tout genre ; et bien qu’ayant passé l’age, il avait pris, et gardé, l’habitude de repérer systématiquement les sorties d’une pièce, et d’indexer avec soins les multiples recoins qui formeraient barrière a une vision un peu trop inquisitrice. Il rejeta la aussi, cette possibilité, la jugeant quelque peu puérile. De toute façon, il devrait se doucher lui aussi. Et revenir une serviette sous le bras devant la ‘ reine ‘ n’était ni plus n moins qu’une tentative de suicide. Qui avait peu de chances d’échouer. Il pouvait aussi poser la pile molletonnée dans un coin et filer, aussi vif qu’un courrant d’air, pour ne revenir que bien plus tard. Beaucoup plus tard. Laissant la charmante demoiselle se débrouiller, toute dévêtue et furieuse puisse t-elle être.
La perspective était assez attrayante pour qu’il la mette de coté. Et alors qu’il extrayait lentement quelques lambeaux d’idées plus ou moins malsaines, un bruit caractéristique lui ébouriffa le poil. Un léger crissement, absolument infernal pour ses tympans si sensibles. Un craquement, suivi du caractéristique bruit de poussières et de caillasses qui se déversaient en une bruyante cascade sur le sol. Et puis un âpre craquement, suivi d’un tintement aigu, témoignant de la chute d’un objet métallique. Qui roula sur le sol, en déduisit enfin le loup aux aguets, analysant le moindre décibel pour former avec précision, l’image de la salle de bain mise a mal.
Appuyé contre le mur, il ferma les yeux. Armoires, produits de toilette… Robinets ? Quel objet avait pu causer un tel boucan ? Un déchirement sec lui répondit de façon très explicite.
Le rideau de douche. Ainsi, elle avait du se suspendre à la barre métallique, les pieds posés sur le rebord de la baignoire quelque peu désuète, et tirer pour la déloger de son support. L’espace d’un instant, le cendré crut qu’elle viendrait le harponner avec sa lance de fortune, lui écrasant le crâne a l’aide de coups de boutoirs hargneux. Elle lui démolirait les cotes et se ferait un collier de ses métacarpes, ferait cuire ses humérus pour s’en faire une soupe exotique. Garderait les viscères pour les donner aux volatiles chers a son cœur, nichant sur leur piètre toiture.
Franchement perplexe, Curve ouvrit les yeux, débattant sur le fait même. Était – elle capable de devenir impératrice sanglante, siégeant sur un trône d’hémoglobine coagulée, ses petits pieds posés avec délices sur les corps disloqués de ses cavaliers insubordonnés ?
Il médita un court instant sur le fait, passablement captivé par l’image en elle-même, a la fois malsaine et terrible, intrigante et attirante. Bien mieux qu’un prétendu film d’épouvante. Mais bien trop loin aussi du mental de la gamine. Il effaça son propre disque dur, conscient que si il avait possédé un quelconque talent artistique – et un crayon digne de ce nom – il lui aurait bien volontiers refourgué les serviettes pour aller peindre le fruit de cette si soudaine et fugace élucubration. Tellement, tellement attractive.
Ce fut toujours dans la position ou il s’était stoppé pour classer ses pensées, qu’il fut aux premières loges pour assister a la sortie théâtrale du … rideau de douche. Savamment enroulé autour de la reine clairement déchue de toute fonction d’intimidation, il formait un genre de pagne que l’oméga catégorisa immédiatement d’atrocement laid. Formant nœuds et torsades d’une classe franchement douteuse qu’il n’aurait pas arboré pour tout le silence du monde, le textile légèrement plastifié reluisait d’une renaissance qu’on accordait rarement a un tel matériau, décoré avec… Goût. Des poissons jaunes et bleus. Comme c’était original.
Relevant un regard désabusé sur celle qui n’avait visiblement pas honte de porter une telle ignominie, le cendré ne put retenir un sourire a la vue de ce minois fermé et étanche a toute émotion, fermement décidé a rentre cette sortie aussi royale que possible. .. Eh bien, l’espoir faisait vivre.
Accélérant le pas, la duchesse détrempée, claquant sauvagement des pieds contre le parquet qui lui, ne lui avait rien fait, déversant sur son passage une traînée sombre de gouttelettes semées aléatoirement, se précipita vers le but ultime de cette sortie voulue magistrale. Elle se jeta sur les serviettes, qu’elle crocheta avec tant de hargne que le cendré craignit un bref instant qu’elle ne glisse et se vautre comme la tête couronnée qu’elle voulait être. Étalée sur le parquet, trempée, éméchée, en rogne et vêtue d’une toge incongrue. Le bouquet final.
Il releva les yeux au ciel, la trouvant, ridicule et de surcroît, parfaitement grotesque. Mais après tout, sa situation peu enviable n’était que la conséquence des actes du cendré, eux-mêmes effectués grâce a son oubli premier. L’oméga classa l’affaire sans le moindre remords. Si elle avait l’air d’une bouffonne vêtue comme un sac, c’était purement et simplement sa faute.
Observant le rictus fielleux qu’elle arborait alors, la jaugeant en cet instant comme il aurait toisé un couple en plein émoi verbal – avec dégoût et dédain – il effaça d’un mouvement de paupières le vil remerciement qu’elle lui adressait en toute sournoiserie, et exécuta la première chose qui lui vint a l’esprit : il s’inclina.
« Mais votre joie est mienne, highness ~
Deux perles incandescentes à la lente combustion se braquèrent sur elle, et l’ont eu pu croire que de son simple regard, il allait carboniser les chairs pour former un trou sanglant de part en part de son corps svelte. Un léger sourire se lova au creux de ses commissures, et le cavalier éternellement insoumis se redressa, pulsant d’une aura vive et narquoise. Quoi qu’elle fasse. Quoi qu’elle dise. Il renchérirait toujours. Son jeu a lui n’était pas plus compliqué que cela.
L’espace d’un battement de cœur subséquent, il était loin, et ses foulées élastiques et tranquilles avaient déjà mis quelques mètres entre lui et elle. Sage résolution. Il avait une mortelle envie de poser un pied sur sa toge, histoire de voir si elle tiendrait le coup.
Pas pour voir son corps dénudé, pour observer les formes sans la moindre pudeur ; mais bien pour voir, encore, sa réaction. Parce qu’il se riait d’avance de la voir, perplexe et incrédule, voir son habit de soirée tomber a ses pieds sans que l’autorisation ne soit donnée. Il imaginait déjà sa mine abasourdie et mauvaise, et son débat mental pour redresser la situation au plus vite. Poser les désirées serviettes, redresser la toge, voir le lingue maintenant ses cheveux se dénouer lui aussi … Encore une situation au summum du ridicule, qui l’aurait distrait un instant, dans le bain morne dans lequel il était ordinairement plongé.
Cependant, il n’eut pas a étudier longtemps la possibilité de mettre son plan en action, car un léger craquement lui indiqua qu’effectivement, une faille avait été crée. Il jeta un regard en arrière, sans se retourner tout a fait. Et toisa d’un œil pétillant, la scène qui se déroulait sous ses yeux ; comme si brutalement son pouvoir avait été de muer ses pensées en réalité.
Un clou, dépassant légèrement du sol d’où il était depuis longtemps prisonnier, avait harponné avec morgue la toge un peu trop longue de la lady ; et les dentelures de son corps décoloré avaient crocheté le tissu auparavant déchiré a son extrémité. Le tout formait une pelote sérieusement entremêlée, qui ne pourrait être délogée qu’a l’aide d’une paire de ciseaux. Ou encore de doigts, si du moins on avait patience et passion.
L’impératrice se trouvait, encore une fois, dans une fâcheuse posture. Et pour une fois – cela l’étonna – Curve n’y était strictement pour rien.
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
Messages : 140 Date de naissance : 03/06/1995 Age : 29 Date d'inscription : 30/12/2009 Virus : Oméga Pouvoir: : Contrôle de la gravité Age : 15 ans
Sujet: Re: * Elégie. Dim 26 Sep - 0:24
Je ne comprends pas Ce que le destin a prévu Je commence à saisir Ce qu’il y a dans mes mains Je ne prétends pas savoir Où va ma sainteté
Je sais juste que je commence à aimer Ce qui est en train de se passer
Il s’inclina.
« Mais votre joie est mienne, highness »
Hm. Il avait une fâcheuse tendance à extrapoler. Elle n’avait jamais évoqué ou éprouvé une joie quelconque. Peut-être s’exprimait-il mal, ou peut-être était-ce la première chose qui lui était venu à l’esprit, et avait franchi la barrière - peu efficace - de ses lèvres closes étirés en un rictus odieux. Highness. Il se foutait royalement de sa gueule. Mais malgré l’immense dédain caché derrière ce seul mot, malgré la perfidie et la langue de vipère du loup, elle ne put s’empêcher d’éprouver un certain plaisir à l’entente du titre. Surtout venant de lui. Elle savait prendre les choses au premier degré lorsque cela l’arrangeait. Et n’avait aucun scrupule à le faire.
Un sourire hautain étira ses lèvres, et elle lança un regard impérial au cendré incliné devant elle. La vue avait quelque chose de surprenant, et un curieux sentiment victorieux vint gonfler son orgueil démesuré. Elle leva les mains vers son buste, et de ses paumes, lissa quelques plis de sa toge improvisée, aux motifs marins. Des poissons jaunes et bleus dont elle n’arrivait à retrouver le nom… Poissons chirurgiens? Il lui semblait bien, mais sa culture piscicole frôlant le zéro absolu, elle n’aurait même pas parié une chaussette sur cette affirmation.
Et deux yeux se braquèrent sur elle, métal en fusion, acier chauffé à blanc, destructeur. Deux yeux qui cherchèrent à vaporiser d’une seule parade l’étendue d’eau immense qui composait son regard. La Reine se redressa, forte de sa victoire voulue, forte d’une assurance peu compréhensible au vu de sa situation précaire. Sa couronne brilla un instant sur sa tête, illuminée par le rai lumineux de son orgueil qui filtrait à travers les remous de l’océan. Une couronne d’argent finement ciselée d’or, et sertie de plusieurs pierres précieuses si bleues que l’on eût pu distinguer laquelle se rapprochait le plus du bleu commun à toutes les consciences. Le cobalt tyrannique, le saphir envahissant, le lapis lazuli royal, l’aigue marine méfiante, le diamant bleu immuable, l’azurite partiale. Son monde était régi par deux couleurs qui n’en étaient pas, étalées sur une toile aux nuances bleutées. Un bleu si profond que les autres couleurs en étaient absorbées, purement et simplement. Seule une couleur bâtarde, une couleur fille de deux non-couleurs, parvenait à résister à l’attraction. A la détourner, à se jouer de ses courants avec délice, tel une chouette effraie glissant silencieusement entre deux vents contraires.
Le gris se leva, non content de sa position hésitante, instable, de laquelle il parvenait à imposer sa présence au monde, excepté à lui-même. Se connaissait-il? Voyait-il la précarité de sa situation? Percevait-il la fin, les conséquences, les objets de ses désirs comme elle voyait distinctement les sien. Il lui appartenait. Ils jouaient à un jeu où gagner était absolument sans intérêt. Un jeu dangereux qui n’avait de raison d’être que parce qu’ils daignaient lui en trouver une. Le Jeu était un cercle, vicieux par moment, détestable à d’autre, excitant souvent. Il prenait la forme alanguie du serpent se mordant la queue, qui les protégeait de ses anneaux de toute intrusion extérieure. Rien ni personne d’autre qu’eux ne pouvaient pénétrer dans la sphère. Quand à en sortir, c’était une histoire différente.
La Fatalité bleutée décida sans préavis de changer le cour des choses. Briser cette monotonie et cette lassitude qui s’installaient bien trop vite. Ils étaient des gamins à problèmes, car incapables de se concentrer sur la même chose pendant plus d’une minute. Totalement dépourvu du sens d’adaptation qui permettait aux autres de s’extasier pendant une heure sur une chose sans intérêt quelconque. L’école lui avait toujours posé problème. Et c’était sans regret qu’elle l’avait quittée, ne se retournant même pas pour voir ses murs beige-rosés doux contraster avec le blanc immaculé et glacial de l’Orphelinat. Au moins, dans l’Orphelinat, quelqu’un faisait le ménage dans sa chambre. Et le cavalier gris lui, ne semblait pas pourvu du gène du ménage. Dommage.
La Fatalité, donc. Elle fit pousser un clou dans le sol, comme un champignon, qui lors d’un curieux et imprévisible hasard, s’agrippa à son habit de parade avec une hargne qu’elle ignorait au fer rouillé. Un bruit sourd caractéristique du déchirement retentit dans le silence dûment acquis. Une furieuse vague verbale mentale inonda le clou. Elle voulut tirer précautionneusement, pour se dégager de l’odieux morceau de fer qui la retenait. Mais les fibres du tissu déchira s’étaient si bien emmêlées, qu’il fût impossible de dégager ce qui restait sans faire un massacre. Massacre qu’elle fit. Une frustration extrême reprenant les commande de son esprit, elle tira violemment sur sa toge de sénatrice de salle de bain, qui éprouvée par trop d’épreuves contraires à sa nature de rideau de douche, céda à la pression. Et Lady Lilian se retrouva plantée au milieu de la pièce, indécente parce vêtue seulement de quelques lambeaux blancs et jaune pendants sur ses épaules. Aucune émotion ne sembla venir troubler son expression, aussi lisse que la surface d’un miroir. Seuls ses yeux, reflets de l’âme, s’étaient assombris, et fixaient le clou comme s’ils cherchaient à la faire fondre. Tel était le destin de tout métal, sous ses yeux brûlants de colère.
Elle restait nue, au centre de la pièce, absolument outrée par la présence du clou rouillé qu’elle avait déjà maudit au certain nombre de fois. L’idée d’un regard qui pût glisser sur le creux de son dos ne l’effleura même pas. La colère occultait tout, jusqu’à la présence même du Loup. Le morceau de métal provocant se présentait ostentatoirement son corps rouillé aux yeux de la Reine. Pendant un instant, elle voulut se baisser, attraper la pelote de tissu plus tout à fait étanche, et la tirer brusquement pour la dégager. Elle changea rapidement d’avis.
Quelque chose attira son attention à la limite de son champ de vision. Près d’un des murs de la pièce centrale, qui constituait en fait la quasi-totalité de leur appartement, se trouvait leur lit. Un sommier d’une place et demie, monté sur quatre pieds d’un dizaine de centimètres. Chose rare, il était fait. Du moins, la couette avait été rabattue pour former une surface à peu près plane. Habituellement, l’un des deux se contentait de la rejeter sur le côté avant de se lever, et elle restait ainsi toute la journée. Bien qu’elle doutât que ce fût l’œuvre du cendré, elle n’avait pas le souvenir de l’avoir fait. Mais ce n’était pas le lit en lui-même qui l’intéressait.
Une forme grise et souple gisait sur la couette aux motifs géométriques. Elle fit un pas, plissa les paupières, et quand elle fut assurée de la nature de la forme, elle traversa la pièce à grande enjambée, ayant pour seul vêtement, quelques lambeaux de rideau qui pendouillaient sur ses épaules. Elle posa un genou sur le lit, tendis le bras, et attrapa le tissu gris qui la tentait terriblement. Elle le mit en ordre, puis sans hésitation, passa les bras dans les manches, rabattit sa capuche sur la capuche sur sa tête, et ferma jusqu’en haut la fermeture éclair. La veste ne lui appartenant pas, elle était trop grande, et descendait par conséquent jusqu’au tiers de ses cuisses. Elle se redressa, debout, impériale devant son lit, celui qu’elle avait acheté avec son argent. Il était donc le sien. Et elle s’appropriait ainsi, tout ce qui pouvait se trouver dessus. A commencer par la veste du cendré dont elle venait de se vêtir.
Selon ses propres règles, édictées par son saint égoïsme, tout ce qui touchait à sa propriété en faisait partie intégrante. L’appartement entier lui appartenant, tout ce qui y entrait était à elle. Ainsi que le cendré. Le Loup lui-même. Le cavalier gris. Sa possessivité n’avait de limites que celles qu’elle daignait bien lui imposer. Soit aucune.
Elle n’aurait bridé pour rien au monde, cet orgueil, cette prétention, ce mépris du genre humain qui la faisait briller d’une lueur terne et bleutée au milieu de la foule. Elle avait grandi. Elle avait pris conscience de certains pouvoirs, de certaines pensées qui pouvaient exercer sur le monde un contrôle permanent et égal à tous les humains. Elle s’était découvert le pouvoir de séduction, commun à tout être. Le pouvoir de persuasion, qui se traduisait chez elle par le chantage ou la peur. Elle était une souveraine tyrannique après tout. Le pouvoir de réflexion, qu’elle maitrisait déjà depuis un certain temps. Et d’autres encore… Lui aussi avait découvert des choses. Et il les maitrisaient odieusement bien. Elle le voulait. De toute façon, partant de son principe de propriété, il lui appartenait déjà. Amère utopie. Délectable ambition.
Il la reconnaitrait, de nouveau. Il l’avait déjà fait dans le passé. Cela se reproduirait. Les règles du Jeu étaient immuables car contournables au possible. Les règles ne pouvaient être brisées par de simples mimiques, par des regards inquisiteurs, accusateurs, ou quelques simagrées. Les règles du Jeu étaient simplement celles qui régissaient leur monde. Et leur Monde ne pouvait s’écrouler.
N’étaient-ils toujours que des enfants? En avaient-ils seulement été? A quoi pouvait ressembler leur esprit, imbibé de naïveté, d’ingénuité, d’une mièvrerie à toute épreuve, et d’une cruauté enfantine?
La pensée elle-même était malsaine. Elle se retourna vers le cendré. Fit deux pas vers lui. Leva le menton, dans une moue hautaine. Le regarda de haut en silence, méprisante.
« Tu m’en voies ravie, knight. »
Elle s’était appliquée à prononcer sa phrase. Soigneusement, méthodiquement, un accent neutre dans la voix, assorti à un air supérieur. Le choix des mots avait été soigneusement étudié. Elle avait hésité un moment. Servant, pawn, knight. Serviteur, pion, cavalier. Elle rêvait plus ou moins du premier, et l’abhorrait en même temps. Le second était trop vague, et lui laissait un goût métallique. Un pion pouvait désigner n’importe quelle pièce, mais le pion lui-même était trop faible. Trop soumis. Alors Knight. Cavalier. C’était sans aucun celui qui lui correspondait le mieux. De plus, elle se plaisait à penser qu’elle avait volé la veste d’un cavalier.
Un courant d’air reptilien enserra les chevilles de la Reine d’une froideur piquante. D’un mouvement souple, elle fit volte face. Elle se planta devant l’armoire qu’elle avait aussi achetée pou y ranger sa maigre provision de vêtement. Le bois n’était pas de bonne qualité, le montage n’était pas précis, mais il lui fallait seulement ouvrir un tiroir pour attraper des sous-vêtements, en l’occurrence, une culotte. Derrière le lit, le dos tourné au loup, elle l’enfila rapidement, puis bondit sur le lit, souple comme un chat. Elle s’y assit, ramena ses genoux contre sa poitrine, puis entoura ses jambes repliées et nues de ses bras couverts pas la veste douce du cavalier gris. Elle posa son menton sur ses genoux, puis darda un regard océan sur le cendré, guettant, ou non, une quelconque réaction. Elle n’avait plus que ça à faire.
Le rideau aux poissons jaunes agonisait au centre de la pièce.
Curve Désaxé chronique.
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Sujet: Re: * Elégie. Sam 16 Oct - 20:08
You told me, my darling Without me, you're nothing You taught me to look in your eyes And fed me your sweet lies
Suddenly someone was there in the window Looking outside at the sky that had never been blue Living in a world without you
LISTEN ME !
Elle n’était somme toute, pas plus originale que cela. De ses lèvres étirés en un sourire tranquille et sardonique, le loup n’éprouva pas le moindre milligramme de surprise – si du moins un tel sentiment avait la possibilité de se mesurer en une unité quelconque – lorsque la cible de ses railleries ne manifesta pas le moindre trouble. Il ressentit presque son ego qui se distendait un peu plus, frôlant la sienne d’un gris spectral qui emprisonnait déjà toute la ville dans une bulle d’égocentrisme raffiné. Elle prenait les choses comme cela l’arrangeait. Un peu comme lui. Le seul problème se manifestait lorsqu’elle découvrirait que la loi qui régnait lorsqu’on côtoyait un individu tel que lui, c’était que seule sa royale personne avait le privilège de transformer les choses concrètes en une séries d’arabesques abstraites qu’il sculptait a loisir afin de tourner chaque situation à son avantage. Elle s’en rendrait d’ailleurs rapidement compte. Il maniait l’art du modelage astral comme nul autre avant lui. Et même si façonneurs il y avait eu, lui n’en avait absolument rien à faire.
Un sourire impérial pour tout salut, par lequel il répondit sur une moue totalement hermétique, dépourvue de toute émotion. Après tout, les reines restaient les reines. Même si celle-ci n’avait ni sujets, ni royaume. Hormis celui qu’elle s’imaginait, au fin fond de ses yeux bleus azurés. Mais ça, c’était son problème, pas le sien.
Une reine sans couronne. Voila bien quelque chose d’inhabituel... Et d’assez risible. Courrait – elle donc ainsi après son sceptre, d’une chaise se créait un trône, d’un loup se faisait un chevalier ? Il entrait bon gré dans son jeu. Après tout, dans bon nombres d’histoires, le chevalier finissait par trahir sa reine. Son épée frémissait déjà à l’idée du sang frais qui la souillerait tantôt.
L’acier se redressa, barrant le chemin a la mer possessive et vorace. Comme les digues, il avait le pouvoir de contrôler le reflux, le laisser croupir l’eau pendant des années avant de la relâcher, en un tsunami avide d’âmes candides au trépas imagé, reposant en son sein pour l’éternité. Pluie de cadavre sur matelas d’or et d’argent. Ses goûts étaient douteux, mais il fallait croire qu’il les assumait sans vaciller. Après tout les barrières étaient la pour ralentir le passager pressé ou la mer tempétueuse. Et quand bien même elles finissaient en lambeau, elles revenaient toujours. Toujours plus nombreuses, bien plus résistantes.
Cela ne le dérangeait absolument pas d’être détruit coup sur coup, s’il lui était permis par la providence de jouer sur ses nerfs, de contrer ses attentes, de tout faire pour que le chemin clair et précis qu’elle s’était destiné a ses cotés se mue en sentier tortueux, sombre et caillouteux. Semé d’embûches et de pièges, de faux semblants et de culs de sacs. Le monde était son théâtre, et il en était l’acteur principal. Les autres n’étaient mis en scène que dans le seul but de l’élever encore un peu plus aux yeux du public. Jusqu'à en effleurer l’infini du bout des doigts.
Muré dans un mutisme parce qu’il le désirait, Curve se redressa lentement, notant distraitement le long mouvement de ses vertèbres dorsales, lui rappelant vaguement l’image d’un serpent qui se redresse avant de mordre. Il se retint de justesse de ne pas relever les lèvres pour darder une langue narquoise a la prétendue reine, encerclée par un cercle de crocs blancs et tranchants. Son propre râtelier était bien fourni ; après tout, il était un loup. Un tel canidé ne se contentait pas de tuer sa proie en une morsure simple et sans bavures. Il pistait.
Traquait.
Faisait langur la proie jusqu'à ce qu’elle suffoque d’angoisse. Guettait le moindre instant, le moindre mouvement précipité et malhabile qui conduirait la créature à passer du statut d’âme simple au statut de proie a la vie précaire et vacillante. Il aimait voir sa proie intercepter son regard flamboyant, se jouer d’elle en laissant ses pattes commettre un vacarme torrentiel. Frétiller les oreilles du condamné, deviner son cœur battre plus vite et plus fort, comme si l’organe en perdition cherchait a rattraper les années promises qu’il n’atteindrait jamais de plein gré.
Et puis, bondir dans le l’incendie, sentir sa toison neigeuse rougeoyer a la lueur des flammes. Danser dans le brasier, prouver que les légendes était fausses. Que le loup, en plus de jouer bel et bien avec le feu, prenait un plaisir acerbe a s’y brûler le poil. Avancer d’un pas sur vers celui qui l’aura sous estimé. Dévoiler deux canines qui auraient fait pâlir Dracula et ses ancêtres. Jouer, encore un peu, pour le simple plaisir d’être sadique, de provoquer la peur, d’en être la source. Faire croire aussi, a celui qui deviendra son repas, qu’une échappée est possible. Le laisser fuir, puis le rattraper, pour enfin planter les crocs dans la chair. Sentir le sang couler, l’observer former les motifs les plus beaux de l’univers, laisser la chose souffrir et hurler sa défaite.
Puis la laisser agonisante ou l’achever sans autre forme de procès. Loup tu étais, Loup tu restais.
Le bruit caractéristique du tissu qui lâche prise sembla tirer le cendré de son étrange transe. Et déjà dos a Elle, il lui offrit la privilège d’un regard franchement désintéressé, qui s’alluma dans un crépitement fourbe. Tiens donc. La toge de la Reine partait en lambeaux. Alors que le regard de l’Indécente semblait bouillonner – ni plus ni moins comme de l’eau dans une casserole, sur le moment il ne trouva aucune comparaison plus glorieuse – lui zooma sur l’objet perturbateur de la météo sentimentale de l’Altesse blonde. Un imperceptible sourire releva ses lèvres pales, et il envoya un hymne au valeureux clou, qui en plus, bombait un torse insolent devant la blonde, qui s’avoua vaincue en se détournant. Sourire accentué du loup. Le métal ne pouvait être que vainqueur. Et ce n’était pas une ridicule pluie d’iris courroucés qui changeraient la donne.
Plongé dans ses pensées, il perdit le fil de la réalité, comme son esprit lui imposait plus que régulièrement. Et ressurgit dans un éclat argenté, en toisant d’un air vide la blonde qui se tenait devant lui. L’air franchement peu convaincu, il l’observa, songeant qu’il avait du zapper un passage, et qu’il ne disposait pas de la télécommande qui permettait de faire retour arrière. Bon. Vu sa tête, elle venait d’énoncer une phrase qui la rendait imbue d’elle-même. Dans le sens, encore un peu plus que d’habitude. Restait à savoir laquelle. Sans doute une réponse a ce qu’il avait proféré. Le dénigrant sans nul doute. Au hasard, il proféra la conclusion sur un ton ennuyé. La situation ne l’inspirait guère, il la trouvait plus lassante qu’autre chose.
« Quelle hiérarchie erronée …
Il se détourna clairement cette fois ci, lui laissant pour toute fin la vision de son dos qui s’éloignait. La fenêtre de la cuisine lui tendait les bras, il céda a l’étreinte demandée sans même penser a y résister une seconde. Son regard glissa sur le plan de travail alors que la reine s’éloignait. Quelques pommes, une bouteille d’eau, le robinet, un petit frigo. Frustré, il se rendit compte que son estomac geignait depuis un bout de temps, et que son envie de pain resterait inassouvie. Sauf s’il descendait dans la rue pour se trouver une boulangerie. Or, l’envie d’échanger quelques morceaux de métal contre une baguette, et affronter le sourire affable d’une commerçante obèse lui ôtait toutes ses forces. Le simple fait de l’envisager l’avait déjà plongé dans son éternel état larvaire, alors que les pensées se bousculaient dans sa tête.
Quelques instants plus tard, un flash lui imposa une vision claire de la chose, qu’il n’avait pas envisagé auparavant. L’autre, la. Elle avait SA veste. Sa veste a lui. Curve était tout sauf matérialiste. Mais il aimait sa veste. Pas au point de décapiter l’effrontée sur l’instant, mais suffisamment pour le faire passer de la cuisine au salon sans qu’il ne s’en rende réellement compte. Mince, elle devait le droguer, ce n’était pas possible autrement. Depuis quand des lambeaux de sa vie se volatilisaient – ils soudain sans prétexte valable ? Le loup n’en perdit pas le Nord pour autant. Et puisqu’il était a coté de l’outrageuse criminelle …
Il saisit entre des doigts une lourde mèche de cheveux blonds, contemplant avec fatalisme la marque humide que la chevelure avait laissé sur le tissu. C’était réellement laid. Il s’apreta a l’assommer d’un jugement impitoyable, lorsque son regard fut aimanté par .. Autre chose. Ni une ni deux, sa main fila vers la poche de poitrine, y plongea sans préabis. Si elle était outrée, tant mieux. Elle lui rendrait son bien. Ladite main se releva dans un geste leste, dévoilant devant deux paires d’yeux perplexes … Le corps mince du rat, qui tendit vers le garçon un museau amical. Le rat fut encore plus efficace que toutes les multiples tentatives, avortées ou non de l’impératrice Lilian, car le visage su cendré se teinta sans comédie d’une franche incrédulité doublée d’un dégoût parfaitement perceptible. Comment ? Cette bête, fils de rien, encore a se langur dans une étoffe si parfaite parce que lui appartenant ?
Mais le loup fut très compréhensif. Il passa un doigt tranquille sur la tête de la damnée bestiole, s’approcha de la fenêtre en une enjambée. Entrouvrit le battant … Et balança le rat sur le toit, avant de refermer la vitre dans un claquement sec. Avec un peu de chance, il se ferait bouffer par les oiseaux du toit. Il n’avait aucune pitié pour les locataires indésirables. Par ailleurs … Il se tourna vers l’hôtesse des lieux textiles, la toisa d’un regard redevenu d’une limpidité hermétique et frustrante.
« Tu la laveras.
Parce qu’il est hors de question qu’il porte quelque chose qu’elle avait souillé de sa peau impure.
Et en son for intérieur, il souhait qu’elle se rebelle. Il avait une envie absolument corrosive de jouer à son tour.
Un sourire satisfait se nicha au creux de ses lèvres, lorsque son regard se posa sur les cheveux de la Reine.
Très, très longs cheveux. … ♪
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
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Sujet: Re: * Elégie. Dim 5 Déc - 1:00
Promise I‘ll be kind… But my daddy‘s got a gun My daddys‘ got a gun You better run
« Quelle hiérarchie erronée… »
Il était le seul qui fût erroné en cet instant. Il se détourna sans scrupules, se dirigeant vers la cuisine nonchalamment. Il disparut le mur qui séparait plus ou moins efficacement les deux pièces. La blonde, toujours assise sur son lit, ramena ses genoux contre sa poitrine et entoura ses jambes de ses bras, le regard fixé sur la pièce qui venait d’avaler son cavalier. Dehors, le soleil semblait s’être levé. En témoignaient les rayons dorés qui traversaient avec difficulté le rideau de poussière parant la fenêtre d’un écrin anthracite, mais qui parvenaient à jeter quelques reflets mouvants sur ses cheveux trop longs. Elle ne les attachait quasiment jamais, non pas qu’elle n’aimât pas ça, mais plutôt parce qu’elle n’en avait pas l’habitude, et n’en avait jamais ressenti le besoin. Peut-être changerait-t-elle d’avis le jour où ils s’emmêleraient dans le ventilateur misérable trônant dans un coin de la pièce étriquée, et qui avait pour fonction première de servir de porte-manteaux, porte-serviettes, porte-chaussettes, ou porte tout court. Peut-être n’aurait-elle-même pas le loisir d’attendre cette situation… Elle avait remarqué depuis un certain temps les regards insistants du Loup sur ses cheveux si longs qu’ils en devenaient irritants. Elle voyait dans ces yeux cette avidité et cette espièglerie caractéristique des enfants qui conspirent dans l’ombre avant de mettre en œuvre leur bêtise. Sauf que sur le mur d’acier de l’ange n’étaient pas accrochées des affiches espiègles. Ni taquine, ni même mesquines. Le sentiment qu’elle y voyait plaqué n’était autre qu’une détestable envie de devenir l’espace d’un instant, l’être le plus odieux au monde.
Et puis, par un procédé dont elle ignorait le fonctionnement, l’Ange éburnéen réagit. Enfin. Oui, elle avait pris sa veste. Veste qu’elle aimait beaucoup d’ailleurs. Chaude et souple, les manches un peu larges, la fermeture légèrement réticente. Elle lui allait comme un gant. Le Loup n’avait aucun sens de la mode, puisqu’il ne sembla pas partager son avis sur son accord avec sa veste. En moins de temps qui ne lui en avait fallut pour l’aller, il fit le chemin inverse vers elle, s’approcha du lit, puis lorsqu’il fut à sa hauteur, s’empara d’une mèche de ses cheveux blonds. Il l’entortilla un instant autour de ses doigts, mais son attention en fut bien vire détournée. Sans qu’elle n’eût le temps de réagir, la main du cendré plongea dans la poche avant de la veste. Il fouilla un court moment, puis la retira vivement. Au bout de ses doigts pendaient un rat bien vivant. Le rat. N’était-il donc pas mort? La Reine eut un frisson de dégoût. Elle détestait cette bestiole, la trouvant à la fois répugnante et stupide. Elle considérait les rongeurs comme des rebuts du monde, des déchets d’hypocrisie et de bêtise, des descendants de la saleté. Ils naissaient et mourraient dans l’ombre, misérables, miséreux, mais laissant derrière eux leur lot de germes et de maladies ignobles. Ce n’était même plus du mépris qu’elle éprouvait à leur égard, mais une cruelle musophobie. Elle voulait les rassembler, les jeter dans un sac, puis les exterminer, les rayer de la surface du globe. A son grand soulagement, le Loup prédateur décida qu’il n’avait pas envie de manger le rat, - de toute manière cela eût été son travail: elle était le Chat - et balança le rat par la fenêtre. La jeune fille crut entendre un bruit mat, qu’elle associa à l’atterrissage forcé du rat. Aucune corbeau ne l’avait attrapé en vol, dommage. D’ailleurs, ces volatiles ne trouvait guère plus grâce à ses yeux. Elle ne les tolérait que parce que leur couleur lui plaisait. Elle aimait leur plumage noir à reflet bleu pétrole, assez pour daigner les héberger, dans le but prochain de les dépecer et de se faire un manteau de leur plumes.
Il n’y avait rien à faire, son cynisme enflait avec l’âge, tandis que la tendresse ou la pitié dont elle semblait pouvoir faire preuve s’amenuisaient. Les pierres de son caractère se scellaient progressivement dans un mur qu’elle pensait immuable. Une carapace de manières et de mimiques qu’elle acquérait petit à petit, et qui lui resteraient définitivement. Elle ne croyait que peu au changement du genre humain, et partait souvent du principe que ce qui était défini, devenait imprescriptible peu de temps après. C’est ainsi qu’elle forgeait son caractère. Elle sélectionnait soigneusement les traits qui s’offraient à elle, en faisait le tri, par ordre d’importance, puis les appliquait à différente situation. Cela lui semblait être la façon la plus logique et scientifique de procéder. Elle méprisait les élucubrations des quelques idéalistes intimement convaincus de l’évolution de l’Homme. Elle dédaignait les théories révolutionnaires selon lesquelles quelques scientifiques névrosés pourraient faire évoluer l’homme vers un genre nouveau, modifier ses gènes, modifier ses caractéristiques intrinsèques. Elle n’en voyait ni l’intérêt ni le bien-fondé. Et puis, Elle était déjà surhumaine. Du moins l’avait-elle été.
Les hommes en blouse blanche, empestant le chlore, comme si l’odeur âcre devait leur assurer en toute circonstance qu’ils étaient bien médecins. Ils lui avait tout pris. Son moyen de défense, sa barrière contre le monde extérieur, contre l’adversité, contre le danger, son protecteur, sa chaleur. Ils lui avaient retiré ce pouvoir par un odieux procédé dont elle ne savait rien. Son don avait été dessoudé, arraché, pompé de toutes les fibres de son corps, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien, plus une trace, plus un résidus, rien qui ne pût la réconforter en cas de malaise.
« Tu la laveras. »
Le pire dans tout ça était la supériorité avec laquelle il s’affichait, parce qu’il avait conservé son don. Il émanait toujours de lui cette aura mystérieuse, un halo tremblotant, caractéristique de ce pouvoir qui affluait dans ses veines, et qui avait déserté les siennes. L’Injustice la frappait de plein fouet lorsqu’elle en était la victime, mais jamais inversement. Les problèmes des autres l’indifféraient, partant du principe qu’elle n’était pas née pour faire du bénévolat social. Elle avait vécu, dans une famille stéréotypée, riche, qu’un accident brise et qui lègue à sn unique fille. Fille anéantie, fille blasée, fille dépassée par les évènements qui ne l’atteignent pas, en altérant le monde qui l’entoure. Son monde s’effritait autour d’elle, à mesure qu’elle grandissait. Il se désagrégeait lentement, dans un fracas de poussières d’enfance.
L’insolence du mâle trônait dans la pièce, l’emplissait d’une chaleur qu’elle n’appréciait pas. Il l’avait humiliée, trahie, insultée, lésée. Il avait sans scrupules mutilé son amour-propre affligé, ses convictions profondes. C’était à son tour de jouer.
Elle toisa le Loup qui se tenait debout en face d’elle, à côté du lit. Avec une lenteur exagérée, elle se leva sur celui-ci, se campant sur ses jambes nues, et regarda le cendré de haut. Une couronne se matérialisa, quelques part sur sa tête, lorsqu’impérieuse, elle pointa un doigt accusateur vers lui. Elle ouvrit la bouche, fit mine de dire quelque chose. Puis son doigt glissa en avant, se rapprochant du loup. Il prit son départ au coin de l’œil gris qui la fixait, effleura sa joue de haut en bas, puis glissa contre la mâchoire élégante et s’arrêta au creux de son cou. Il marqua une pause, une légère pression, contre la carotide pulsant de vie et de pouvoir, puis poursuivit sa descente, à la naissance du torse, buta contre le premier bouton de la chemise fermée.
Contrariée, la Reine eut une moue réprobatrice. Il osait encore la défier, même implicitement? Tant pis pour lui. Elle fit volte face brusquement, lui tournant ostentatoirement le dos. Puis, les doigts emmêlés dans ses cheveux, elle siffla un:
« Non ~ »
Elle avait toujours aimé contrarier les gens, même si elle savait pertinemment que le Gris lui avait évidemment tendu la perche. Elle ne tenait compte que de ce qui l’arrangeait, et occultait tout le reste. Partant du principe qu’elle avait un pouvoir à la limite du divin, en sa qualité de déesse elle pensait sincèrement pouvoir faire disparaître une chose ou un fait en le niant, purement et simplement. Le Cendré lui, se contentait de quelque chose de plus classique. Il n’assumait jamais ses actes, et ne réfléchissait pas aux conséquences, contrairement à Elle, phobique de ces dernières. Elle les redoutaient plus que l’étouffement, plus que la peste ou la Mort. Les conséquences se déclinaient en une myriade de blessures, de coupures acerbes, d’éraflures narquoise, qui la piquaient, l’irritaient, la suivaient partout où elle allait. Le caractère irrévocable et implacable des conséquences la terrorisait. C’était une répulsion phobique qu’elle éprouvait à leur égard. Et aucun psychologue n’y avait put changer quoi que ce soit. Les psychiatres quand à eux ne préféraient pas se pencher sur son cas.
Elle restait plantée, debout sur le mauvais matelas, peu confortable quand il s’agissait d’y dormir, mais qu’elle n’aurait échangé pour rien au monde. Il portait cette atmosphère, cet aura qui fait que l’on ne peut jeter la chose dont elle émane. Le sentiment qui en résulte étant souvent un fort attachement sentimental. Elle l’aimait, son matelas, celui qu’elle avait acheté avec son argent. Celui que squattait le mâle, malgré elle.
Il l’empêchait de dormir.
Songeant qu’il eût été idiot de continuer à se murer dans un silence hautain, elle se retourna de nouveau, toisa le cendré, fit deux pas énergiques et se pencha en avant, son visage à quelques centimètres du sien. Elle murmura à son oreille:
« Pour la laver, il faudrait d’abord que je l’enlève… »
Elle ne se détourna pas cette fois. Ces cheveux glissèrent sur ses épaules en un froissement de soie, et attiré par la gravité mère, s’étirèrent en un rideau de part et d’autre de son visage, masquant à demi celui du Cavalier. Un sourire euphorique étira ses lèvres en un rictus dérangeant. Son visage n’était pas habitué à sourire ainsi. Mais le sentiment qu’elle éprouvait à l’idée de pouvoir posséder le Loup lui arrachait des frissons de délice. Sa main remonta le long de la chemise, les bout de ses doigts caressant le cou d’albâtre du Cendré.
Jouons mon bien-aimé, Dansons mon cavalier Cette danse qui n’attend que nous Sur cette musique composée pour nous
Curve Désaxé chronique.
Messages : 152 Date d'inscription : 15/02/2010
Sujet: Re: * Elégie. Mar 7 Déc - 23:10
Et cette houle cendrée qui mime l'inertie qui tangue et qui languit, avide d'ironie. deliberately provocative
musique ♫
La négation cingla dans l’air prématurément froid, comme la lame de la guillotine sur les vertèbres cervicales d’un damné a l’âme décadente. Sans appel. L’expression ne signifiait rien pour lui. Rien. L’ignorait – elle ? L’affirmation était une invitation qu’il avait su extirper de gré ou de force, fruit d’une comédie suave et trop épicée pour être la sève de ce qui composait son âme grise d’ange radié du paradis. Les négations n’étaient qu’une main tendue, qu’un appel au jeu, qu’une hardiesse de plus, une barrière qu’il s’amusait a franchir pour le simple plaisir de déplaire et de nuire encore et encore. Il était la nuisance. Il était le rat des souterrains, le corbeau qui riait dans l’ombre de son plumage aux reflets de pétrole, il était la peur de la nuit, la claustrophobie, il était le jour étouffant, la foule avide et maussade, la nuit tentatrice et malsaine, le couteau et la plaie, le sang qui en suintait. La corruption avait intégré son corps juvénile à l’aube de sa vie, au crépuscule de l’humanité ou les anges consumés avaient perdu leurs ailes. Il ne vivait que pour le plaisir de déplaire et d’être haï autant qu’admiré, l’étalon indomptable qu’aucun filet n’aura jamais souillé. Grand dans sa décadence imposée, ridicule poussière aux yeux tranchants comme la lamée d’une épée. Il était le briseur de serments, le charmeur de serpents. Le fouet sur le dos des esclaves, la moquerie implantée dans une âme, le cynisme et l’amertume, la rancune et l’infortune. La négation n’était qu’une porte qu’on laissait ouverte pour lui, et sans la moindre hésitation, il s’envola comme la colombe qu’il feignait d’être vers celle qui le défiait impunément.
Le sommier craqua, grinça, protestations faibles face à la détermination de l’Impératrice qui réclamait sa minute de mise en scène. Ses genoux se déplièrent alors qu’elle se redressait, ne faisant qu’accroître encore et encore la lueur flamboyante d’une froide moquerie dans l’iris décoloré du cendré. Chaque personne qui selon lui, s’élevait au dessus des autres par un moyen matériel quelconque n’était qu’un être diminué de moitié en grande crise d’infériorité. L’orateur d’une foule n’était – il pas systématiquement placé sur une scène, le proviseur qu’une école anonyme sur une estrade miteuse et souvent creuse ? On bâtissait des justifications, voilant la réalité d’une pudique poudre synthétique. Crise existentielle aigue, besoin d’être entendu, d’être vu ou encore admiré, de se trouver l’espace de quelques secondes précieuses, le centre d’intérêt d’une masse ignorante était selon lui, un signe déterminant de sa classification des personnes a traîner dans la boue. Malgré ses méprisables simagrées qui l’attiraient lui, comme le loup charmé par le feu, elle ne restait que l’étincelle qu’on éteignait d’un simple battement de paupières. Elle s’élevait physiquement au dessus de lui, ne trouvant pas encore le moyen de le dominer, de percer a jour la faille qui lu permettrait d’être, pour quelques secondes, l’Alpha de sa meute mentale. Il s’octroyait tous les rôles, prétextant qu’aucun autre ne pourrait mieux faire à sa place. Chez lui, elle n’était pas encore un loup. Elle restait un jouet. Peut-être un chien, mais les ombres sauvages tournaient perpétuellement autour d’elles, tour a tour souriantes puis grinçantes, l’entourant d’un halo opaque et d’une brume de fausseté, noyant avec une tendresse feinte sa raison dans un bain tiède et caricaturé, imitant ailes d’anges puis cornes de démon. Il la perdait, la ranimait puis l’enfermait dans un cocon qu’il ne distinguait pas lui-même, remodelant a loisir la pâte informe qu’elle restait a ses yeux. Après tout, elle exécutait précisément ce qu’il désirait qu’elle fasse. Ridicule étincelle.
L’index accusateur se braqua vers lui, point de mire de ses pupilles charbonneuses, le laissant perplexe quand à sa réaction. Démangeaison sordide et tentatrice au niveau des incisives, qu’il avait envie de planter dans la chair pulpeuse et trop blanche, pour jeter sur elle le feu d’un sourire artificiel et provocateur. L’index cependant, n’avait pas fini son chemin. Il quitta son balcon instable au centre de la gravité immatérielle, pour se poser en frêle papillon, au coin de cet œil qui la défiait. Il glissa sur sa joue, effleura sa mâchoire, caressa sa carotide, sondant le chemin comme si elle cherchait a transpercer l’odieuse veine qui pulsait contre sa peau. Finit par glisser, songeur, vers son torse, pour s’arrêter au premier bouton de sa chemise. Le regard du loup se fit aigu, et un rictus releva ses lèvres quand la main se détourna, effarouchée. Elle jouait a la chatte en chaleur pour s’enfuir, biche rougissante et honteuse, vierge outrée par son comportement un peu trop poussé. Il se retint a grand peine d’éclater de rire, et la laissa, bon joueur, terminer l’acte qu’elle avait imaginé, relevant son odieuse chevelure pour occuper les mains qu’elle avait cru baladeuses et outrancières. Nia. Puis provoqua. Avant de lui laisser de la place sur sa scène privilégiée, cessant de piétiner le sommier martyrisé. Braqua sur lui les projecteurs de son esprit, de la scène, du monde. Il s’empara alors du script, je jeta par la fenêtre, et tendit les bras, refermant ses doigts autour du col de sa veste. Le mouvement fut aisé, puisqu’elle s’était penchée à outrance vers lui, le caressant de ses cheveux mordorés. Trop penchée, peut-être.
« Oh. Vraiment ?
Le velours de sa voix glissa sur sa peau comme s’il l’effleurait des lèvres. Puis il l’attira impitoyablement a lui, inflexible, jusqu'à ce qu’elle bascule, trahie par la gravité qui jusque la, avait été un allié. L’ironie de la situation l’amusa encore plus, et il resserra son emprise sur le tissu a l’agonie, alors qu’elle chutait, puis se réceptionnait avec plus ou moins d’aisance. Serait-elle tombée a genoux qu’il ne l’aurait pas lâché pour autant.
Ses pieds nus se stabilisèrent sur le sol en bois, a coté de ceux du cendré, qui avait déjà imprimé la suite de la scène, puis de l’acte suivant. Il réécrivait presque la pièce, laissait quelques lignes blanches au cas ou l’imprévu nommé L puisse jouer quelques tours dont il serait la victime. Il n’était pas dupe. Elle non plus. C’était ce qui rendait le Jeu aussi irritant que passionnant.
Le cendré se pencha vers elle avec une lenteur mesurée, ne lui laissant que la possibilité de battre des cils, ou même de hurler, pucelle effarouchée aux yeux trop bleus. Elle jouait un rôle qui n’était pas sien, se prenait pour la libertine qui agissait selon son gré. Mais au fond, n’était-ce pas les mâles qui violaient les adolescentes au coin des ruelles sordides ? Ceux qui les découpaient ensuite avec un soin gourmand et malsain, puis empilaient les morceaux, jouaient avec les intestins, pataugeaient dans le sang, exaltés et puissants. Au long de leur histoire, les femmes n’avaient été que des victimes. Et l’ange n’en pensait pas moins. Bien que l’envie d’éventrer son jouet préféré n’ait pas encore effleuré son esprit, il restait aussi machiste qu’il n’avait été. Et quoi qu’elle fasse. Quoi qu’elle dise. Quoi qu’elle pense. Elle resterait sur un trône d’or et d’argent, mais bien insignifiant comparé au sien. Et c’était un véritable délice, une passion sulfureuse et corrosive, un plaisir immonde et pallié de vices que de lui prouver ceci a chaque seconde qu’elle s’obstinait à passer a ses cotés.
Ses lèvres pales d’invivable canidé effleurèrent presque la commissure des lèvres de son jouet, alors qu’un fin sourire innocent entrouvrait les siennes. Elles glissèrent sur la peau satinée de la pécheresse, traçant leur chemin parmi l’arome frais de la douche tout juste prise. S’arrêtèrent quelques secondes au creux du maxillaire inférieur, alors que la voix voluptueuse du male se frayait un chemin jusqu'à ses oreilles frémissantes.
« Et en quel honneur … Elles reprisent leur course, volages mais bien présentes, filant en torpille immorale vers le but qui les guidait - penses-tu avoir … se stoppèrent un court instant dans le creux de son cou, pulsant d’une provocation dépravée, n’esquissant pourtant pas le mouvement d’un baiser, la laissant craindre et redouter, frissonnante a l’idée du jeu qu’il orchestrait et du but qu’elle ne voyait pas encore - le choix ? Les iris du prétendu Ange reluisirent d’un éclat qu’elle ne connaissait que trop bien, et il n’eut qu’a avancer la tête de quelques centimètres pour happer de lobe de son oreille, comme s’il croquait la pomme interdite. Oh, Eden. Ce jeu est peut-être bien trop poussé pour ton cœur si fragile.
Il la laissa enrager en se délectant de cette nouvelle discipline qu’il découvrait, de ses talents de pseudo séducteur qu’il avait déjà expérimenté des années auparavant. La différence était qu’au lieu de succomber en mettant fin au Jeu, elle refusait plutôt toute forme de défaite, et chercherait hargneusement a reprendre le dessus, basculant paliers après paliers vers une mer de décadence voluptueuse. Finalement, il finirait sans doute par la violer dans une ruelle crade et indigne de leur rang divin. Mais elle en serait ravie, et affirmerait qu’elle l’avait poussé à le faire.
Ses dents maintenaient toujours crânement le lobe de son oreille, alors qu’il contemplait le relief des sillions sinusoïdes, baignant dans l’idée qu’il la possédait en cet instant aussi bien mentalement que physiquement. Et encore, le mot ne définissait pas assez bien la situation. Elle pouvait bien se démenait qu’il n’aurait pas desserré les dents, et serait peut-être parti se doucher en tenant entre ses crocs, son trophée sanguinolent, vestige d’une impératrice amputée. D’ailleurs … Après quelques secondes à la narguer, il revint a son objectif principal, constatant qu’il avait vaguement dérivé, et n’en regrettait pas le moins du monde. Ses dents se détachèrent de l’oreille sacro sainte, et il esquiva le regard assassin de sa chère Ève. Ses doigts quittèrent le col, s’emparèrent de sa fermeture, et il l’abaissa d’un mouvement leste du bras, son visage reprenant le masque de neutralité qui lui seyait si bien, contrastant avec la jubilation impudique qui l’animait quelques secondes auparavant. Et en quelques secondes, la veste trônait entre ses mains, alors qu’il couvait sa blonde d’un regard empreint d’une fausse compassion. Pauvre petit angelot dénudé.
Et lui souhaitant d’attraper un rhume, il laissa tomber la veste sur sa tête, attrapa une serviette puis lui décocha un éclatant sourire carnassier et victorieux.
« Et frotte bien, Maid-kun ~
La porte de la salle de bain se referma sur lui, malheureusement perméable a son impitoyable ego qui pulsait encore dans la pièce ou il avait planté Ève.
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
Messages : 140 Date de naissance : 03/06/1995 Age : 29 Date d'inscription : 30/12/2009 Virus : Oméga Pouvoir: : Contrôle de la gravité Age : 15 ans
Sujet: Re: * Elégie. Lun 17 Jan - 0:29
Être positif est tellement chiant.
Sans doute aurait-elle dû appliquer le seul châtiment qui la sauverait et frustrerait le Cavalier du même temps. Sans doute aurait-elle dû se détourner de lui, le laisser en plan, partir, s’enfuir. Lui tourner le dos, effrontément, pour son bien, pour le sien. Evidemment, elle ne l’avait pas fait. Par défi ou par abus de confiance, qu’en savait-elle, elle avait bravé son instinct de survie. Celui-là même qui avait érigé une barrière contre le monde extérieur, contre les Autres, et dont la manifestation avait été le halo bleuté de son pouvoir, repoussant toute agression, limitant l’impact du monde sur sa personne. Avant lui, l’extérieur l’avait agressée, injuriée, lui avait craché au visage. Il l’avait attendu, hypocrite, à l’affut, puis lorsqu’elle avait voulu s’y faire une place, il l’avait rejetée, brutalement, sans état d’âme, sans cris ni larmes. Mais Lui. LUI. Lui l’avait repoussée, attirée, subjuguée, anéantie, reformée, ressuscitée, remodelée à sa guise. Elle s’était rebellée, la glaise de son âme s’était transformée en pierre, immuable, campée sur ses positions et ses convictions. Son esprit de contradiction avait pris les devants, résisté au métal qui n’attendait que ça. Elle l’avait nourri, il l’avait entrainée plus loin qu’elle n’eût eu l’audace d’aller seule. Il l’avait marquée, meurtrie de sa morsure sournoise et possessive. Il voulait qu’elle devienne son jouet, marionnette entre ses mains qui, de temps à autre, tirait plus fort sur un fil, tentant de faire sombrer le maître en l’entrainant par les attaches qu’il avait lui-même créées, et dont il n’assumait pas l’existence, voire la démentait, parfois, sans vergogne. Il était un esprit si ignoble dans un corps si parfait, que le physique subjugué par le psychique en devenait révoltant. Elle voulait scinder corps et âme, en tirer deux entités, aussi parfaites l’une que l’autre, complémentaires, idéales. Sa façon de penser la répugnait, lui inspirait un dégoût si profond qu’elle se reconnaissait dans ses méthodes brutales. Il était un être violent. Il martelait sa volonté avec hargne, brisait ses élans, anéantissait les fondements de sa pensée. Il broyait ses os, uns par uns, de ce regard d'acier, la pilonnait, pour la voir se relever, blessée, impériale, impérieuse, sur un trône d'or qu'elle voulait faire d'acier. Il la mutilait, avec un plaisir sans bornes, toujours renouvellé, et elle se plaisait à lui tenir tête, effrontément, recherchant presque, cette douleur qui l'accueillait à bras ouverts. Parce qu'elle était idiote, et bien moins détachée qu'elle ne le voulait. Il massacrait son âme, dégradait son état incertain. Les tréfonds de sa pensée nébuleuses s'agitaient, fiévreuses, ses tripes grondait furieusement, prises dans un étau. Il l'estropiait consciencieusement, l'amputant à chaque fois d'une partie un peu plus grande de son esprit. Son monde s'effritait sous ses yeux, elle en observait les lambeaux rougêatres s'élever vers des profondeurs aérienne, désabusées, les paupières à demi closes. Il n'existait pas de ciel assez grand pour elle. Son ego et sa rage ne tenaient pas même dans un gouffre ou une fosse marine. Il lui fallait un trou noir supermassif, un univers entier. Il lui fallait un nouveau monde.
Il était bien parti pour le lui offrir, à l'insu de son plein gré, ou non.
Il l'attrappa par le col et l'attira violemment à lui. Elle chuta de son piédestal moelleux, la brutalité du cendré lui arrachant un frisson exalté. Il était encore plus beau lorsqu'il cachait une once de colère feinte sous un masque de plâtre narquois, si épais que ses traits s'en figeaient. Lui vint un instant l'image d'une vieille botoxée, qui lui arracha un sourire moqueur. Il s'appliquait tant à rester neutre qu'il en devenait inexpressif, voire bovin. Lilian changeait vite de façon de penser, bien que campée sur ses positions, elle savait s'adapter. De cette façon, elle ne voyait plus le regard impartial du mâle comme une menace, ou une source de rage. Plutôt comme une expression bovine de vide intérieur. Se plaisait-il à paraître stupide?
Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage. Le cendré se pencha vers elle, dominateur peu conciliant, ne lui laissant aucune possibilité de recul ou de dérobade. Parfait. Elle n'en avait pas besoin. Le regard qu'elle lui rendit s'apparentait à un “ alors? “ Ne s'apprêtait-il pas à faire quelque chose d'absolument répréhensible? Un crime odieux comme il en avait commis tant d'autres avant lui? Si là n'avait pas été son but, elle eût été déçue. Au fond, il n'était jamais qu'un joueur compulsif. Il défiait son propre esprit, lui imposait pari sur pari, qu'il réussissait souvent. Ce devait être merveilleux de vivre dans son monde. Un Las Vegas perpétuel, aux lumières tamisées et aux tapis de velours gris. Une ambiance sordide, vivable et étudiée pour lui. Et au plafond carelé de gris et de pourpre, des lustres poussiéreux se balançant narquoisement. Il trainait des pieds dans son monde terne et addictif, fade mais sarcastique. Ces tables auxquelles il s'asseyait pour battre lui même les cartes n'étaient solides que de son cynisme envahissant. Ces fauteils anthracite n'étaient gonflés que d'orgueil, un orgueil si grand, si moelleux, qu'il s'y lovait, s'y roulait avec délectation. Ce devait-être une sensation euphorisante que de dévaler sans cesse les escaliers de marbre menant au Jeu, sans crainte de représailles ou de réprimande. Dans ce monde plus que dans le sien, l'inexistance des règles rendait possible tout désir. Elle qui était sans cesse tenaillée par une peur viscérale, une phobie qui lui rongeait les entrailles chaque fois qu'elle s'arrêtait trop longtemps sur ses pensées, désirait si ardemment jouer dans un monde semblable au sien... Si elle ne pouvait s'en créer un, elle s'y incrusterait, qu'il le veuille ou non. Elle creuserait les fondations de son empire dans cet espace qui ne lui appartenait pas, puis le plaisir de la conquête la consumerait jusqu'à ce que du gris et du pourpre, il ne reste que Blanc, Noir et Bleu. Le blanc uniforme, le noir discordieux et le bleu médisant, impérial, la couleur des souverains de l'Histoire. Elle se ferait tyran redouté, Impératrice excécrée autant que désirée, et le cavalier lui arracherait des soupirs de frustration, de dépit, de rage. Il alimenterait sa fureur, sans faillir, sans faiblir, fermerait la port à ses ambitions, lui rirait au nez. Ses crocs perfides répandrait un poison dans le corps de l'envahisseuse, de façon à ce que dépendante, elle ne pût jamais sortir du monde qu'elle avait conquis. Son royaume deviendrait sa prison. Son serviteur deviendrait son geôlier. Et du haut de son piédestal d'orgueil, elle s'acharnerait contre les barreaux, les arracherait de ses dents, mimant hypocritement une haine démesurée, cachant un ravissement malsain.
Le cendré, donc. Il l'attira à lui, conscient que son contact lui arracherait un frisson de haine, inconscient que ce dernier serait feint jusque dans son origine. Alors qu'un sourire subtil mais caustique vint légèrement contracter ses traits parfaits, une lueur mordorée dansa dans ses yeux, semblable aux reflets du soleil sur la robe d'or d'un cheval palomino, semblable aussi à l'or en fusion. Ce reflet auquel elle s'accrocha fut le seul signe, tangible ou presque, de désir qu'elle put capter. La suite des évènements dilata ses pupilles, de telle sorte que le trou noir engloutit l'océan. Les damnées lèvres du Gris tracèrent un sillon glacial sur sa peau, entrecoupé d'une voix de velours perfide.
“ En quel honneur... Penses-tu... Avoir le choix? “
Comment? Encore une question à la réponse si évidente qu'il ne la voyait pas, même si elle se matérialisait devant lui et dansait la samba. En son honneur de Reine, mieux, de Souveraine, elle était intimement persuadée, non, elle avait évidemment le choix. Et ce visage marmoréen trop près du sien ne la ferait pas céder. Si elle avait une qualité pouvant aussi être qualifiée de défaut, aussi conséquente que son orgueil et son égoïsme, c'était bien son acharnement. Plus hargneuse qu'une hyène rongeant son os et sa rancune, elle s'accrochait au moindre fil pendant en sa faveur, s'imiscer dans chaque faille que l'adversaire lui laissait pour mieux reprendre le dessus, le ronger de l'intérieur. Elle tenta de renverser la situation physiquement, mais se désinteressa de l'idée au bout d'une demi-seconde. Il était une chose qu'elle n'avait pas encore changée: le mâle avait plus de force physique qu'elle. Elle n'en était certes pas névrosée au point de s'inscrire dans une salle de musculation – de toute façon ce n'était que de l'argent jeté par les fenêtres -, mais se sentait assez frustrée pour y penser dans ses moments d'absence, il faut le dire, assez fréquents.
Une action du mâle coupa court à ses réflexions. Il la mordit. Comme un animal. Comme un chien. Un frisson électrique secoua chacune de ses vertèbres, tandis qu'il refusait de lâcher, martyrisant le lobe de son oreilles de ses dents trop blanches, et la maintenant de façon à ce qu'elle ne pût esquisser un geste de défense ou de revanche. Il sembla vouloir faire durer le moment, puis se souvint de quelque chose. Avec une lenteur calculée, il desserra son emprise, évita ostensiblement son regard, puis d'un geste absolument indécent et froid, il abaissa brusquement la fermeture de la veste qu'elle portait et la lui arracha, annihilant d'un coup toute barrière à sa nudité. Il aurait put le dire immédiatement, s'il voulait se rincer l'oeil, et non pas employer ces simagrées inutiles.
Il la considéra un instant de toute sa hauteur, puis avec une pitié hypocrite horripilante, il laissa retomber la veste sur sa tête, ébourriffant au passage ses cheveux blonds. Etait-il stupide? Ne lui était-il pas venu à l'esprit que s'il lui rendait de son plein gré, elle se l'approprierait définitivement?
Elle ne fit rien dans l'immédiat, se contentant de le regarder partir se réfugier dans la salle de bain, à travers le tissu gris. Elle resta un instant avachie sur le sol, vêtue de la seule culotte qu'elle avait enfilée quelques minutes auparavant. Puis, prenant une décision dictée par son ego, elle se redressa, enfla la capuche sur sa tête sans mettre sa bras dans les manches, et se dirigea vers la salle de bain, conquérante.
Alors qu'elle entendit le froissement du vêtement que l'on enlève, un sourire corrosif étira ses lèvres. Elle attendit, patiemment, sa balançant d'un pied sur l'autre devant la porte en bois miteuse. A ce niveau là, elle n'était même plus sûre que l'on pût appeller ça du contre-plaqué. La vermine rongeait le pseudo bois avec une facilité si déconcertante, qu'à chacune de ses nombreuses douches la Reine pouvait constater l'amincissement de la paroi.
Elle guetta le bruit de l'eau. Lorsque celui-ci lui parvint, sa main vint enserrer la poignée de la porte vermoulue, euphorique. Elle patienta pourtant, encore, encore, songeant à son plaisir qui n'en serait que plus grand. Puis le bruit d'un corps rentrant brusquement dans l'eau déclencha ses muscles. Elle ouvrit la porte à la volée, pénétra dans la salle de bain, et la referma derrière elle aussi sec. Elle y plaqua son dos, un sourire sarcastique barrant son visage, tandis que la faible clarté de la pièce provenant de la minuscule fenêtre opaque découpait son visage en demi-teinte, donnant à son regard une hétérochromie prononcée. Ce même regard, indécent et fielleux, qu'elle posa sans broncher sur le mâle recroquevillé dans la baignore remplie d'eau glacée. Elle n'avait pas pris le temps de fermer la veste, ostensiblement ouverte sur son ventre et son buste, provocante, vicieuse. Elle se serait arraché les yeux et tranché un bras pour voir le cavalier dans la position qu'il occupait en cet instant. Leur situation respective s'étaient si bien échangées en un laps de temps si court qu'une euphorie puissante s'empara d'elle, et vengeresse, elle fit deux pas, s'empara des vêtements jetés à terre, en fit une boule, ouvrit le fenêtre et les balança, victorieuse.
“ J'ai déjà pris le rideau. Trouve autre chose, otiose knight “
Curve Désaxé chronique.
Messages : 152 Date d'inscription : 15/02/2010
Sujet: Re: * Elégie. Dim 23 Jan - 19:10
I hear you calling and it's needles and pins I wanna hurt you just to hear you screaming my name You don't wanna touch me but i'm under your skin You don't wanna break these chains
Elle le trouvait stupide, bovin. Il la trouvait ennuyeuse et prévisible. Sans doute les choses étaient-elles équitables. Mais pas une seule seconde il n’y pensa. Son avis lui importait peu. L’avis du monde le laissait totalement indifférent, et le sien y était mêlé, quoique plus important, comme une perle plus bleue que les autres dans un collier délaissé au fond d’un grenier. Il lui donnait le droit de se forger un avis, une opinion. Mais ne s’y intéressait pas. Un Curve restait un Curve. Elément filiforme au milieu d’un décor en fusion, silhouette dédaigneuse du monde extérieur, a l’ego si démesuré qu’il était impossible de la voir. Curve se comportait comme l’Humain avec les fourmis : il savait que ces êtres existaient, avaient une intelligence, une vie en société, des tactiques et des rêves. Mais il ne s’en intéressait pas plus. Il s’amusait simplement de voir l’expression de la blonde changer selon ses humeurs, de la voir passer a l’exaltation au dégoût, au dédain puis a la colère. Il s’amusait de ses mimiques comme si elle n’était qu’une marionnette – celle qu’elle avait toujours été, au creux de ses mains – mais oubliait instantanément tout trait qui portait atteinte à son impériale personne. Curve était seul juge de son comportement ; et étant son propre dieu, il ne daignait pas changer d’un iota pour lui plaire. S’amusait même lorsqu’elle l’insultait, ou le traitait comme un enfant. Elle était distrayante. Elle était son jouet, sa marionnette animée, l’amarre qui le rattachait encore vaguement au monde réel, la seule qui osait le tirer de ses songes pour tenter de laminer son ego a coups de répliques laborieuses. Elle était passionnante à regarder, comme un animal exotique enfermé dans une cage dorée. Et lorsque la fascination s’envolait, il se retournait et la laissait se débattre seule dans sa haine. Lilian le haïssait et le désirait pour cela. Et lui s’amusait de ce jeu cruel, de ses tentatives pour l’abaisser chaque fois un peu plus. Elle ne semblait pas concrètement réaliser que c’était ainsi qu’elle formait, maillon par maillon, la chaîne qui l’attachait a lui. Le jour où elle cesserait toute résistance serait celui ou il partirait a jamais. Néanmoins, l’omicron était intimement persuadé qu’au fond, elle en était consciente. Et que de ce fait, elle se débattait de plus en plus, crachant et mordant pour qu’il ne brise pas cette chaîne d’addiction qui les reliait pareillement. C’était tout ce qu’espérait Curve. Qu’elle continue a piailler pour qu’il ne cesse pas de l’emprisonner entre ses doigts.
Réprimant un sourire a cette pensée, il délaissa la poignée de la porte fermée, et jeta un coup d’œil aux alentours. Son regard tomba tout naturellement sur le miroir fissuré qui semblait soudé au mur, lui revoyant le faciès d’un individu rêveur, au léger sourire d’ange pensif et aux yeux glacés ou brûlait un feu dévastateur et silencieux. Paradoxe. Il effleura le miroir d’un doigt poussif, s’arrêtant sur les cassures du verre, espérant malgré lui s’y couper pour voir couler le sang. Son épiderme résista quelques instants, assez pour que l’idée vicieuse se soit envolée. Il dirigea alors son attention vers les divers produits étalés sur le sol, et s’accroupit pour les observer. Des fascicules jonchaient le sol, vantant les mérites d’une coloration brune ou d’une voiture au moteur peu polluant. Il les délaissa, choisit un produit au hasard, et ouvrit le robinet d’eau chaude. Après avoir fureté un moment parmi les placards remplis, il trouva un flacon de bain moussant acceptable, et l’esprit ailleurs, vida la moitié du flacon dans l’eau qui bouillonnait. Il surveilla, pensif, la mousse qui montait peu a peu, avant de poser sa serviette sur le radiateur archaïque qui dévorait une partie du mur particulièrement décrépi.
Il resta un bon moment collé contre le métal brûlant, voguant sur ses habituelles vagues de songeries inaccessibles a tout esprit carré, avalant par la même occasion la chaleur friande qui brûlait suavement sa chair blanche. Curve aimait la chaleur. Mais la chaleur électronique, artificielle, contrôlée. Celle que l’on pouvait augmenter ou baisser a loisir, que l’on pouvait éteindre ou allumer lorsqu’on le désirait. Le soleil était trop vicieux pour pouvoir être une bonne source de chaleur durable. Enfin, il arrêta l’eau, monta le chauffage a fond, quitta ses vêtements et pénétra dans la baignoire.
Le choc lui coupa le souffle. Un coup de poing mental s’abattit sur son crâne, une onde de glace s’empara de ses veines, écrasa ses artères, détruisit sa chair. Des impulsions électriques et douloureuses se mirent a pulser sous son derme frigorifié, alors que l’eau avoisinant les deux degrés se mouvait, suave et malsaine, en halo impur autour de sa frêle silhouette congelée. Des dards de glace se mirent a percer ses tympans, sa vision s’obscurcit, ses poumons se débattirent dans leur impuissance, figés par une vague de froid monumental qui le pétrissait des orteils jusqu’aux épaules. Idiot, iodiot, idiot.
C’avait été un tord stupide, une erreur ridicule que de ne pas vérifier la température de l’eau. De ne pas noter la vapeur qui semblait absente, de la mousse qui se diluait mal dans une eau aussi polaire. Ses pupilles se braquèrent sur la porte qui s’ouvrait puis se refermait, alors que son bourreau provisoire se glissait dans la pièce, indécente et victorieuse. Toujours enserré dans un carcan rigide, ignorant ses muscles qui hurlaient en cœur, l’omicron la suivit des yeux, rongés par un intérêt morbide, alors que le puzzle se mettait en place petit à petit. Elle avait dilapidé l’eau chaude a dessein, et balançait actuellement ses fringues par la fenêtre entr’ouverte. Il resta un moment bloqué sur la vitre sale ou ses affaires avaient disparu. Puis descendit vers la blonde qui n’attendait qu’une chose : qu’il se venge. Que vexé par son échec, il se lève et lui enfonce la tête dans l’eau savonneuse, qui la finisse a coups de tabouret ou qu’il lui coupe les doigts un par un avant de lui faire manger jusqu'à ce qu’elle s’étouffe, la trachée encombrée par sa propre chair sanguinolente. Le froid aidant, il ne réagit pas d’un iota. Ferma les paupières. Les rouvrit.
Un sourire caustique s’empara de ses lèvres pales, et il inclina la tête en vrillant sur elle un regard insondable où semblaient s’ébattre des étoiles du paradis et le magma des limbes les plus obscures. Niché dans son cocon de mousse comme un ange déchu aux ailes dépliées, il glissa ses mains en coupe sous l’écume parfumée qui l’enveloppait, et baissant les paupières, souffla sur celle-ci. Envoyant vers la jeune fille des pétales nacrés qui s’écrasèrent sur elle dans une douceur molletonnée.
Gelé jusqu’au plus profond de sa moelle, il sourit à la jeune fille, comme s’il la remerciait d’être un oisillon aussi entêté. Comme si la chose l’amusait, qu’il appréciait cette douche froide et n’en semblait pas gêné.
« Je dévorerais ton âme, Lilie-chan ♥
Sa voix coula comme la mousse entre ses doigts, crémeuse et d’une pureté absolue. Ses yeux clairs n’exprimaient rien qu’un amusement candide.
Il n’était pas en colère. Il n’était même pas vexé. Devant ses iris planait un nuage blanc ou se mariaient chimères et idées irréalisables, ou se côtoyaient le possible et l’impossible. Il ignorait comment, mais le froid irradiant semblait avoir enserré son cœur d’une gaine de glace plus solide que sa propre envie de destruction, et il avait dès lors l’envie simple de se détourner comme toujours et de la surprendre. Elle s’attendait a une déferlante d’électricité, a des volts s’écrasant sur son corps offert en sacrifice pour cette vision tant désirée, il prendrait alors un plaisir tranquille a renier sa main et a fuir par un couloir latéral. Il aimait la surprendre. Il sentait déjà l’incompréhension dans ses yeux. Il n’oublierait pas de la punir pour avoir osé. Après tout, c’était la raison pour laquelle elle avait agi.
Il toisa la mousse qui fondait sur la peau de l'impie. La fourmi l’avait piqué. Il allait l’embrasser puis lui arracher les pattes.
Lilian Trilobyte cubiquebouffeusedeboulets.
Messages : 140 Date de naissance : 03/06/1995 Age : 29 Date d'inscription : 30/12/2009 Virus : Oméga Pouvoir: : Contrôle de la gravité Age : 15 ans
Sujet: Re: * Elégie. Dim 20 Fév - 0:34
Oh ces mots qui me reviennent A ces rendez-vous Qui sera le plus mesquin Qui sera le plus fou Oh ces veines qui enflent Pour cracher le venin On sait pourtant que ça ne mène à rien
Il la trouvait ennuyeuse et prévisible? Dans ce cas, quelles raisons avait-il de persister, de... vivre avec elle, n'ayons pas peur des mots, car c'était exactement ce qu'il faisait. Oui, un observateur extérieur eût résumé en quelques mots creux leur situation. Ils vivaient ensemble. Sous le même toit. Dans les mêmes pièces étriquées, exiguës, entre les mêmes murs lézardés, sales et fendus, sous les mêmes poutres sombres et vermoulues, derrière les mêmes fenêtre opaques de poussière. Ils dormaient même ensemble. Et aucun des deux ne faisait le ménage. Lilian considérait le simple mot comme un outrage à son condition impériale. Les reines n'avaient jamais passé le balai dans leur propre palais. Elle ne dérogerait jamais à une règle qui lui seyait si bien. Cependant, elle était absolument et intimement convaincue que le Loup ne s'abaisserait jamais à une tâche aussi dégradante et peu gratifiante. Le fait d'avoir un lieu de vie propre ne l'intéressait que très modérément. Après tout, à part la poussière qui alourdissait l'atmosphère, l'appartement en lui même n'était pas si crasseux... Bon, la tapisserie partait en lambeaux, et après? Les murs étaient fissurés. Ils n'avaient pas vraiment de plafond, si ce n'étaient les tuiles du toit et les restes de laine de verre, qui avait jadis servi à isoler. Elle était à présent plus utile aux corbeaux et autres volatiles, emplumés ou non, qui peuplaient les hauteurs de leur château de béton armé.
Ils étaient là plus ou moins clandestinement. Lilian avait versé une certaine somme à une certaine personne, résident plus ou moins certainement dans un bâtiment certain. L'immeuble qui abritait leur refuge, et dont la porte d'entrée avait été soigneusement brisée par leur soin, n'était habité que par des rats. Des rats sales et puants, sortant des égouts de la ville, avec leur museau avide et leurs yeux cruels... Mais aussi des rats humains, des loques, des moins que rien, les rebuts d'une société qu'on avait jeté aux ordures, espérant que l'Éboueuse Suprême les embarquerait rapidement. Mais l'éboueuse de la Terre qu'était la Mort ne passait pas assez vite. Régulièrement, les deux presque-adultes trouvaient des sans-abris assoupis ou inconscient devant leur porte. Ils se contentaient de les ignorer, persuadés peut-être qu'ils disparaitraient de cette façon. Lilian était riche. Lilian ne faisait pas l'aumône. Lilian était avare. Les rebuts la répugnaient. Elle leur avait voué, pendant un certain temps, un mépris tout autre que celui qu'elle réservait aux autres. C'était un dédain tellement plus simple, tellement plus courant, tellement plus... compréhensible par le commun des mortels, qu'il en devenait ridicule. Si ridicule qu'elle ne l'accordait plus aux concernés. En fin de compte, aux yeux des autorités, ils n'étaient eux-mêmes que des squatteurs. De simples rats.
Elle aimait être à part. Elle aimait choquer sans se mettre en danger, et aimait le danger quand le risque ne lui était pas destiné. Elle appréciait l'ivresse du péché, mais frissonnait toujours par procuration. Le fait était que sa phobie des conséquences, si présente, si envahissante dans un esprit sollicité en permanence par des choses absurdes, devenait incontrôlable au moindre faux pas. Sa réalité n'était en rien semblable à celle des autres, et n'avait par conséquent rien à lui envier. Son monde lui convenait parce qu'elle l'avait crée à son image, elle l'avait façonné comme elle le voulait, sans se préoccuper de l'avis des Autres, jadis si envahissant... Dans ce monde sur lequel elle régnait, elle était Tout. Omnisciente, omniprésente, omnipotente. Elle savait tout, était partout, détenait le pouvoir sur tout. Et le cavalier gris s'était immiscé dans son paradis tyrannique.
Et elle observa la danse de l'eau punitive, se délectant des remous glacés formant chaînes et dards contre la peau d'albâtre du cendré. Blanche et glacée, le liquide glissait et mordait l'épiderme semblable à du vélin. L'eau était son alliée. En témoignait l'océan de ses yeux, le cobalt en fusion, teinté d'arabesques d'or et d'argent. Il était définitivement sculptural, mais si la société pardonnait tout à la beauté, l'eau, elle, ne faisait pas de quartier. La marée montait, la vague se formait, immense, hurlante, et engloutissait le monde ingrat. Elle balayait le mal, détruisait le bien, ne laissait derrière elle qu'un paysage tranché, partagé entre le blanc et le noir. Un monde partial, idéal. Elle vénérait l'eau, et c'était tout naturellement que lui était venue l'idée de s'en servir aux dépens du Loup. Jusqu'à présent, il l'avait prise de haut, il avait commis d'innombrables crimes de lèse-majesté, il avait mutilé sa dignité, piétiné son honneur royal. Mais la reine s'était redressée sur son trône de fer. Sa couronne avait repris sa place sur sa tête, sertie de saphirs et de lapis-lazuli. Il fallait qu'il payât le prix de ses péchés.
Cependant, le froid polaire qui l'envahissait semblait avoir ralenti les fonctions cérébrales primaires du mâle. Autrement dit, celles qui lui permettaient d'exécrer, de haïr, de corrompre, d'inciser, de mordre. Ne pensait-il plus? Le froid l'avait-il transformé en légume? Rien n'eût été moins drôle; elle se fût profondément ennuyée pour le restant de ses jours. Et malgré son héritage colossal, elle eût sans doute vécu à la rue si elle n'avait connu son Cavalier. Son père lui avait dit un jour: « Listen Lilian, the knight is the best pawn in chess... His moves are totally unpredictable » Avait-il prédit sa rencontre avec le cavalier gris? Sans doute était-ce son destin. Sans doute était-elle la seule à pouvoir supporter un tant soit peu cet ego qui transpirait même des murs... Elle se plaisait en tous cas à le penser. Elle aimait tant se sentir unique... Et puis, après tout, il était la seule personne, la seule, à qui elle avait offert un présent. Elle ne s'était jamais attendue à ce que le cendré lui rendît, essentiellement parce qu'avec l'enchaînement trop rapide des événement, elle n'en avait pas eu le temps. Mais à présent... Elle n'avait qu'une envie.
Elle ne craignait pas le froid. Elle voulait rentrer dans cette baignoire à son tour, et arracher ce demi-sourire qu'il arborait fièrement, à coups de dents. Elle voulait lui faire peur, le mordre jusqu'à ce qu'il crie, jusqu'à ce qu'il hurle, le mordre jusqu'au sang, jusqu'à, laisser sa trace, sa marque, une signature indélébile sur un corps parfait. Il se souviendrait d'elle chaque minute, chaque seconde, à chaque tiraillement le long de sa blessure. Elle voulait affirmer sa domination physiquement, aussi bien que psychiquement, peu lui importait ce qu'en pensait le mâle. Ses états d'âmes et ses envies ne l'intéressaient pas ou plus, elle voulait simplement être certaine qu'il pût la distraire pendant longtemps encore.
Un déclic eut lieu. Une lame de fond remua le terre meuble, le limon fertile qui s'était déposé au fond de la fosse absurde. Profondément enterrée sous une couche pierreuse de peurs et d'inquiétude, de rejet et de mépris. Une bulle, une seule, iridescente, une bulle d'Indifférence. L'Indifférence qui anéantissait la peur, l'antonyme de la phobie, l'allégorie antithétique à la hantise qui avait pourri, rongé son âme et sa capacité à exister pleinement. Pour la première fois depuis plus de dix ans, Lilian se sentit vivre. Libérée du poids odieux des conséquences qui brisait ses épaules, broyait son dos courbé. Pour la première fois, Lilian obnubilée par les conséquences de ses actes, hantée par le futur plus que par le passé, lui enterré sous une masse grouillante de pensées absurdes et incohérentes, Lilian Disdain, respira. Son esprit ressemblait au final à un bouillon de culture, à l'eau croupie d'un étang où pullulent les bactéries, que l'on aurait piégée dans un erlenmeyer pour les mettre en évidence.
L'indifférence naquit d'une bulle dans cet esprit démentiel, sphère d'un vide bienfaiteur qui creva la surface stagnante et chaude, la marée d'immondices, la vase gluante de l'effroi. Le sentiment nouveau sembla aiguiser sa vue, souligner son regard, tel un trait d'eyeliner , plus noir que l'aile des corbeaux dont elle partageait la demeure. L'indifférence face aux conséquences radia une des phobies les plus handicapantes qui l'accablait. Ce fut cette sensation de liberté euphorisante, cette joie sans limite, étouffante, qui la poussa à mettre son plan à exécution, ainsi que tous ceux qui suivraient.
La blonde se courba imperceptiblement en avant, arquant le dos avec discrétion, de la même façon qu'un chat qui se prépare à attaquer. Son regard sembla s'aiguiser, tel le rapace prêt à fondre sur sa proie. Et si le fait de le faire n'avait pas été un signe aussi flagrant de ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle aurait volontiers passé sa langue sur ses lèvres. A l'instar du Loup. Un éclair blond traversa la pièce, ses cheveux trop longs semblables un instant à la queue d'une comète. La seconde d'après, le lourd clapotement de l'eau contre l'émail se fit entendre. A genoux dans la baignoire, au-dessus de mâle gris qui semblait déconnecté de la réalité, son cerveau transi par le froid. Elle décida de le réveiller. Tel un serpent avide et sinueux, elle plongea en avant, crocs sortis, visa une épaule éburnéenne qui s'offrait à elle... Serra les mâchoires, violemment. Pendant un instant, elle ne sentit rien. Rien d'autre que la chair tendue sous ses dents, rien d'autre que le froid de l'eau, envahissant. Puis le sang afflua. Il pulsa sous la peau meurtrie, s'échappa des vaisseaux sensés le contenir, franchit la barrière de la peau, et commença à couler paresseusement en minces filets vermillons. La reine se délecta un moment du plaisir pervers qu'elle éprouvait au goût du sang. Elle n'était ni vampire, ni sangsue, mais le simple fait que ce soit le sien, son sang à lui, la remplissait d'une satisfaction et d'une joie immenses. Elle étouffait dans ce bonheur trop grand, car c'était bien là un sentiment auquel son organisme n'était pas du tout, mais alors pas du tout adapté. Au bout de plusieurs minutes, elle desserra les mâchoires se redressa quelque peu sur le corps meurtri du cavalier, et observa avec un sourire presque tendre les ruisseaux de sang rouler le long de son épaule, puis de son bras, pour venir se confondre et mourir dans l'eau froide qu'ils tentaient de rouge. Elle trouva le spectacle magnifique. A tel point qu'elle ne se rendit pas compte qu'elle avait gardé la veste du cendré – ouverte, certes, mais bien place sur ses épaules -, avant de plonger. Le gris s'était transformé en une marée sombre sous le poids de l'humidité. Ses cheveux, plaqués contre sa nuque, évoluaient en volutes gracieuses dès lors qu'ils entraient en contact avec l'eau.
Son regard polaire se vissa dans celui du mâle. Une lueur d'amusement farouche dansait au fond de ses iris, cachée derrière l'eau et la glace, cachée derrière euphorie.
Qu'il l'électrocute. Elle en mourrait d'envie.
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* Elégie.
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