>> Soupir éreinté. Siumi posa ses pommes à plat sur le bord d’une vasque lisse et fraîche, devant l’immense miroir de l’une des salles de bain du manoir de Lisa Carter.
Elle avait fuit l’agitation qui commençait à lui peser, la musique, les conversations futiles des invités humains venus ici pour se montrer, le tintement des verres, les talons claquant sur le sol de marbre, les parfums capiteux… Elle n’en pouvait plus. Posséder des sens surdéveloppés, ça avait ses avantages, bien entendu. Voir la nuit, entendre approcher quelqu’un à grande distance, reconnaître les gens déguisés grâce à l’odeur, tout ça était pratique. Mais le problème, c’est qu’on était vite incommodé et surtout, submergé. Au bout d’un certain temps passé dans le bruit, Siumi se mettait à confondre les sons, ils se fondaient les uns aux autres pour former un tout dont elle ne pouvait rien tirer, sauf un mal de crâne. Elle savait quand ce moment arrivait qu’il était temps de s’isoler au calme. Alors elle avait quitté la salle, longé des couloirs dans lesquels il y avait AUSSI des gens (argh) et avait même surprit un couple en train de se rouler des patins, contre un mur dans un corridor. Une fois éloignée de la musique, sa tête avait parut plus légère et elle avait poussé une porte sur laquelle était indiqué « Salle de Bain ». Parfait, elle pouvait se permettre d’entrer sans être impolie. Après tout, ça n’était qu’une sale de bain et elle se doutait que Lisa Carter n’était pas le genre de personne qui laissait traîner ses culottes sales après la douche (poésie, quand tu nous tiens…). Ses talons claquant sur le sol carrelé de noir, elle était entrée, et avait allumé la lumière, laissant la porte entrouverte. Reflexe, toujours se laisser une voix facile pour partir, instinct de survie oblige. Et en voyant l’immense pièce, elle avait faillit pousser une exclamation.
Le sol brillait tellement qu’il paraissait de verre et non de céramique, d’ailleurs, l’Oméga soupçonna ce dallage d’être également en marbre, à en juger par les veines blanches qui parcouraient les carreaux. Sur la gauche, deux grandes vasques blanches, avec des robinets d’argent, surmontées d’un immense miroir d’une propreté irréprochable. Les murs étaient noirs également, et le mobilier blanc. Au fond, une grande et profonde baignoire à même le sol, qui rappela à Siumi son pays natal, le Japon, ou de nombreux bains étaient creusés dans le sol. La jeune fille fit quelques pas, et chacun d’eux résonna en claquant, bruit clair qui sembla résonner dans la vaste pièce. Quelqu’un, inconnu, un domestique surement, avait prit le soin de déposer sur les meubles des vases argentés ou fleurissaient de magnifiques Lys couleur de neige, et leur délicat parfum se répandait dans la pièce, léger et agréable. Le tout, sobre et agréable, était éclairé par des appliques blanches sur les murs, et Siumi remarqua sur l’interrupteur qu’on pouvait changer la couleur et l’intensité de l’éclairage. A côté, la salle de bain de sa propre maison, pourtant assez luxueuse, faisait office de cabine de douche publique. Si elle avait été chez elle, elle se serrait immédiatement fait couler un bain d’eau brûlante et se serrait glissée dedans, pour y passer plusieurs heures. Sauf qu’elle n’était pas chez elle et qu’elle n’avait pas très envie d’être surprise nue en train de squatter la salle de bain d’une Alpha.
Elle choisit donc d’aller se passer de l’eau sur le visage, et s’approcha des lavabos. Une fois de plus, son reflet la surprit.
Elégamment coiffée, vêtue de cette robe noire qui soulignait superbement sa silhouette, sa dégaine de panthère… Elle ne s’y faisait pas, et elle était contente de n’avoir à garder cette apparence qu’une soirée. Sa robe, qui avait certes couté cher, serait suspendue au fond du placard et n’en sortirait plus, sauf occasion particulière. Et des belles chaussures retourneraient au grenier avec les affaires de feu ses parents. Du bout de ses doigts, elle retira le loup noir qui masquait la partie supérieur de son visage, contemplant ses prunelles verticales. L’avantage, c’est que personne ne les remarquait, ces yeux bizarres, avec le masque. La soie des gants glissa le long de ses bras et elle les déposa sur un coin de la vasque, puis fit couler de l’eau fraîche dans le creux de ses mains. Elle but à longs traits, puis s’aspergea délicatement le visage. Elle s’essuya sur une épaisse serviette blanche et vérifia son maquillage (qui de toute façon était quasiment invisible tant il était discret, puis se redressa. Lorsqu’elle remit son masque, elle eut l’impression que son reflet la regardait d’un air moqueur, tranquillement caché derrière le loup.
-Non mais regarde-toi un peu, grande sauterelle… Tu t’es vue ? À quoi tu ressembles, tu peux me le dire ? Qu’est ce que tu fous là, hein ? T’es pas mieux que moi.
Elle se détourna du miroir auquel elle venait d’adresser la parole, et enfila ses gants. Pratique, les gants. Ils permettaient de sauver la face en cachant ses ongles vert pomme, qu’elle n’avait pas eu le temps de revernir d’une couleur plus sobre. Tout en glissant sa main dans le premier fourreau de soie, elle se dirigea vers la sortie et poussa la porte entrouverte du bout du pied pour la faire pivoter. Alors qu’elle émergeait dans le couloir sombre, elle faillit sursauter, lorsqu’une odeur lui sauta au nez. Une odeur que la jeune fille n’avait pas sentie avant, trop occupée à désespérer sur son apparence et ses pensées, la tête remplie de l’odeur des lys.
Siumi fit volte face et découvrit l’origine de l’odeur, à savoir une personne appuyée contre le mur juste à côté de la porte. L’avait il/elle entendu parler à la glace ?
S’apercevant qu’une de ses mains était toujours découverte, elle s’empressa de remettre son gant pour cacher son vernis et se força à faire un demi-sourire, de politesse. Mais, flemme de saluer par contre.